Rectificatif : Synergies PG 2

Information essentielle à la lecture des articles :
Nous tenons à signaler une erreur d’impression dans l’article de
Marie-Nelly Carpentier paru dans le second numéro de Synergies Pays
germanophones
. Nous prions le lecteur de lire „éducation
transfrontière“ et non „transfrontalière!“ dans le titre et dans la fin
de l’article : „Une éducation transfrontière sans égal en Europe et dans le monde“.

Pardon pour cette grave erreur et toutes nos sincères excuses
à l’auteur.

Florence Windmüller (Rédactrice en chef)

Fred Dervin — Comment vendre à l’Autre ? Approches de l’interculturel dans le monde des affaires : Le cas des cabinets interculturels dans cinq pays

Comment vendre à l’Autre ?
Approches de l’interculturel dans le monde des affaires :
Le cas des cabinets interculturels dans cinq pays
Fred Dervin
Université de Turku

Résumé : Avec l’avènement de la mondialisation accélérée que nous connaissons (Pieterse, 2004), apprendre à rencontrer un Autre pour lui vendre des services ou des biens est un objectif majeur pour des millions d’hommes d’affaire. Ceux-ci sont d’ailleurs souvent amenés à avoir recours aux services de cabinets interculturels, qui offrent des formations, du consulting et du coaching, pour leur assurer le bon déroulement des négociations. Cet article tentera de contribuer modestement à faire connaître le travail de ces cabinets, ou ces « travailleurs invisibles de l’altérité », en procédant à des études de cas dans cinq pays. Nous analysons les programmes que ceux-ci proposent à leurs clients sur leurs sites Internet en nous fondant sur les principes de l’analyse des discours interculturels (Dervin, 2008).

Mots-clés : cabinets interculturels, monde des affaires, consulting, culturalisme, liquide, discours

Abstract: With the current accelerated globalization (Pieterse, 2004), learning how to meet the Other to sell services or goods to her/him is a major objective for millions of business persons in the world. In so doing, they often have to hire intercultural specialists to make sure that they receive proper training to be able to sell to the Other. This article is a modest attempt at examining the work of intercultural firms, of these “invisible workers of Otherness”, through case studies in five countries. The training, consulting and coaching programmes found on the specialists’ websites will serve as a basis for analyzing their discourses on interculturality and thus their visions on the self and the other.

Keywords: intercultural firms, business world, consulting, culturalism, liquid, discourses

Introduction

Cet article s’intéresse à certains aspects du « management interculturel » (Pierre, à paraître), auquel les cabinets interculturels sont souvent amenés à contribuer par des formations, du consulting et du coaching qui permettent d’accompagner à la fois les employés pour des missions à l’étranger (vente, achat ; expatriation, rapatriement), mais aussi les individus issus d’espaces géographiques (nationaux) différents qui se trouvent au sein des entreprises. En fait, très peu d’études se sont intéressées à ces cabinets interculturels dans le monde de la recherche. L’étude de Dahlén (1997) sur les travaux de certains membres-formateurs de la SIETAR (The Society for Intercultural Education, Training And Research) serait l’une des rares exceptions.

Cet article tentera de contribuer modestement à faire connaître le travail de ces « travailleurs invisibles de l’altérité » en procédant à des études de cas dans cinq pays : trois pays dits « occidentaux » et deux « orientaux ». Le choix de ces espaces nous permettra de mettre en abîme les discours qui semblent être dominants sur le soi et l’autre et d’observer leurs différences et/ou recoupements. Nous analyserons à partir du modèle de démarches interculturelles tripartites que nous avons défini (solide, liquide et janusien, Dervin, 2008) les formations proposées par seize consultants de ces espaces géographiques à partir des programmes que ceux-ci proposent à leurs clients sur leurs sites internet.

1. Approches de l’interculturel : Typologie générale des démarches interculturelles

Pour le jeune chercheur qui entre par n’importe quelle porte dans le domaine de l’interculturel ou bien le formateur qui cherche des soutiens didactiques pour concevoir des cours ou séminaires dits interculturels, la tâche est loin d’être facile car la littérature sur l’interculturel est disparate, éparpillée et souvent contradictoire dans les approches proposées (Holliday et al., 2004 ; Dervin, 2008). C’est pourquoi, il est dorénavant plus que nécessaire de militer pour qu’une typologie des approches de l’interculturel soit clairement positionnée afin d’analyser les discours médiatiques, sociétaux, politiques et scientifiques sur ce phénomène.

Depuis les années 90, quelques typologies des approches utilisées dans la didactique ou bien dans les domaines de la communication interculturelle et de la psychologie interculturelle ont été déclinées (Abdallah-Pretceille, 1986 ; Ogay, 2001 ; Dervin, 2007 ; Humphrey, 2007 ; Pierre, à paraître). Nous avons opté (Dervin, 2007) pour une terminologie empruntée au sociologue Z. Bauman : celle du solide et du liquide (cf. Bauman, 2001) pour les synthétiser. La première catégorie est surnommée solide et correspond à des approches qui ignorent le contexte d’interaction et la complexité des individus mis en contact, qui sont réduits à des faits culturels. Pour Laplantine (1999 : 46), cette démarche « croit mordicus qu’il existe des essences humaines résolument distinctes les unes des autres ». Cela coïncide tout à fait avec l’approche dite culturaliste basée sur les apports de E.T. Hall et G. Hofstede, entre autres, qui est largement employée dans le management interculturel (MsSweeney, 2002 ; Pierre, à paraître).

A l’inverse, l’interculturel liquide prend en compte de nombreux facteurs d’interaction et refuse surtout l’équation quasi-systématique entre discours et actes, donc entre descriptions « internes » ou « externes » des cultures ou de leurs « représentants » comme « preuves » ou arguments véri-conditionnels (cf. Eriksen, 2001). En effet, l’approche propose que toute interaction est obligatoirement une mise en scène discursive, énonciative et dialogique et une construction entre interlocuteurs et « tiers ». Ainsi, tenter de définir les frontières entre les cultures ou leurs caractéristiques pour faire rencontrer des Autres semble être une erreur simplificatrice pour analyser l’interculturel.

Finalement, et en complément aux typologies proposées jusqu’ici, on mentionnera ce que nous appelons des approches janusiennes, qui fournissent des discours qui sont à la fois solides et liquides sur l’interculturel. A notre connaissance, cette approche n’a pas été identifiée par d’autres chercheurs auparavant. Donnons un bref exemple de ces discours sur l’interculturel : le chercheur nous prévient (pour se protéger ?) que chaque individu est multiple ou divers mais d’un autre côté il a recours à des éléments solides et/ou solidifiant ou bien, il remet en question des discours stéréotypés sur le soi et l’autre et les substitue par ce qui lui semble être plus proche de la réalité – donc par d’autres généralisations – ce qui mène à des discours tout à fait contradictoires.

2. Etudes de cas de cabinets interculturels dans cinq pays

2.1. Présentation des cabinets : positionnements

Nous proposons à présent de mettre en application la typologie des approches interculturelles dans le monde des affaires en examinant les profils de 16 cabinets interculturels issus de cinq pays : les Etats-Unis, la Finlande, la France, l’Inde et Hong Kong. Le choix des pays est lié d’une part à notre connaissance personnelle et professionnelle de ces espaces et aussi au fait qu’ils se sous-divisent en deux espaces que l’on oppose souvent : l’Occident et l’Orient. Le choix des cabinets n’est pas de notre ressort mais de celui d’une assistante-stagiaire francophone à qui nous avions proposé de trouver ces cabinets sur Internet (en français et en anglais) et cela afin d’éviter un certain biais. En effet, cette assistante-stagiaire ne connaissait pas vraiment notre approche de l’interculturel et elle n’a donc pas pu décider si les approches des cabinets qu’elle recherchait correspondaient à notre hypothèse de recherche. L’analyse se basera uniquement sur les sites web des compagnies et ne tentera pas, bien sûr, d’être exhaustive.

Le tableau suivant présente les cabinets par pays :

Pays Noms des consultants
(abréviations pour l’analyse) Site Internet
Etats-Unis Cultural Savvy
(CS) http://www.culturalsavvy.com

CultureConnect
(CC) http://cultureconnectglobal.com/

Global Vision Strategies
(GVS) http://www.globalvisionstrategies.com

Esprit Global Learning
(EGL) http://espritgloballearning.com

Finlande DOT-Connect
(DOT) http://www.dot-connect.com/

Berlitz Cultural Consulting
(BCC) http://www.berlitz.fi/1-129-cultural-consulting.html

Fintra
(Fin) http://www.fintra.fi/asp/empty.asp?P=3069&VID =default&SID=836767466035611&S=0&C=19281

France EAGST Formation
(EA) http://www.eagst.com/fr/index.php?43-management-interculturel

JPB Consulting
(JPB) http://www.jpb.net/

Irenea
(Ire) http://www.irenea.com/

Akteos
(Akt) http://www.akteos.com/index.php?id=4&L=3

Hong Kong Crown Relocations
(CR) http://www.crownrelo.com/relo/globalpassport/index.html

CommuniBridge
(CB) http://www.communibridge.com.hk/services_en.htm

Inde Eurisko Consulting
(EC) http://www.rajuravitej.com/eur/eurisko_partners.html

Immer Besser
(IB) http://www.immerbesser.co.in/

Global Indian
(GI) http://www.globalindian.net.in/globalindian/?q=front_page

Gridphi
(Gri) http://gridphi.com/index.php

En tout, et d’après les sites Web, ces cabinets fournissent des formations pour l’expatriation et le rapatriement, des formations spécifiques pour les responsables de Ressources Humaines. De nombreux éléments servent à positionner les cabinets interculturels sur les sites web tels que les expériences « interculturelles » et diplômes des employés, les slogans utilisés, etc., nous allons nous limiter ici aux références du monde scientifique glanées sur les sites. Faire apparaître des références scientifiques peut permettre de se positionner par le biais d’autorités et donc de donner une image plus sérieuse et plus confiante aux clients potentiels. De tous les consultants observés, DOT est le cabinet le plus complet en la matière. Le site donne accès à des articles écrits par le directeur du cabinet, des articles écrits par des universitaires, des comptes-rendus de livres, un lexique sur la communication interculturelle, ainsi que des définitions de termes de base. Les « scientifiques » mentionnés sont surtout des classiques du management interculturel « solide » : Edward T. Hall, Geert Hofstede, Fons Trompenaars. BCC mentionne par exemple Geert Hofstede et le présente ainsi : « Geert Hofstede is a Dutch psychologist whose landmark study on cultural variability, commonly referred to as “Hofstede’s Dimensions” is frequently cited by experts in the Cross-Cultural field ». Le fait que le chercheur soit souvent cité par les « experts » du champ leur sert directement d’argument. De même, Cultural Savvy cite E.T. Hall dans leur propre définition du terme culture: « Despite popular beliefs to the contrary, the single greatest barrier to business success is the one erected by culture ». Le reste des compagnies ne mentionnent pas de références scientifiques mais expliquent qu’elles procèdent elles-mêmes à des recherches. C’est le cas, entre autres, d’Eurisko qui « conducts its own cross-cultural research on significant issues relating to culture and its influence on life and business ». Pour conclure cette première approche du corpus, disons que de nombreux points communs ont pu être identifiés avec les analyses et résultats de l’étude de Dahlén (1997). En outre, on note à la fois des différences au sein des mêmes espaces géographiques, mais aussi de nombreuses stratégies similaires employées en dehors des frontières des pays représentés et de l’ « Orient » et l’« Occident ».

2.2. Les discours interculturels des cabinets

Cette section s’intéresse plus précisément aux types de discours sur l’interculturel, le soi et l’autre, glanés dans les programmes de formation et descriptifs des actions des cabinets sur les sites internet.

2.2.1. Discours différentialistes et connaissances

Nous notons d’abord un recours quasi-systématique au différentialisme (Pieterse, 2004), qui « cherche à isoler des phénomènes à l’état pur, non métissés » (Laplantine, 1999 : 47). Celui-ci est présenté comme étant unidirectionnel (CB : « Help clients understands the cultural differences ») et bidirectionnel (CS : « Gain an understanding of cross-cultural differences »).

L’identification de ces différences semble se faire d’après les programmes par le biais de présentation de « connaissances » ou de « faits » sur l’Autre. Certaines compagnies proposent des « connaissances » par pays. GI par exemple donne accès à des « culture factoids » par pays, qui incluent : « In-flight etiquette ; Customs and immigration ; Business writing ; Western management styles ; Interview and telephone techniques (…) ». Même chose chez Akteos qui a recours à un programme virtuel intitulé Country Navigator TM qu’ils décrivent comme « web-based tool that gives you valuable insight on how to successfully interact with people from different cultures ». Si les compagnies donnent des exemples concrets de connaissances et de faits traités dans leurs programmes, ceux-ci font toujours référence à la Chine, à l’Inde et au Japon. Prenons à présent quelques exemples concrets pour la Chine et le Japon. Voici ce que EA (spécialiste de la Chine) propose : « Les codes comportementaux dans le monde des affaires en Chine (gestuelle, habitudes vestimentaires, civilité et courtoisie, etc.) ; Adapter son discours au mode de pensée des Chinois ; (…) ». Pour le Japon, CS propose : « (…)To analyze aspects of doing business specifically with Japan, to include an understanding of Japanese values and culture; To identify differences in U.S. vs. Japanese management styles and communication styles; (…)… ». On a bien affaire dans tous ces exemples à des propos culturalistes, différentialistes d’ « objeification », qui réduisent la culture de soi et de l’Autre à des espaces géographiques nationaux. Pour Baumann (1996 : 11), ce type d’approche illusoire a pour consequence: « the false fixing of boundaries is a direct conséquence of the reified version of culture ». A-t-on besoin de rappeler d’ailleurs que ces frontières sont mouvantes car, dans le monde des affaires, les employés ne sont pas toujours issus du pays où ils travaillent… ce qui tend à annuler la valeur d’une culture réifiée comme élément d’analyse…

2.2.2. Culturespeak – la culture comme Sujet

La présentation des aspects différentialistes et factuels nous amène à présent à nous interroger sur le traitement de la culture en elle-même dans ces programmes. Le lecteur l’aura déjà remarqué dans ce qui vient d’être proposé, les discours des cabinets sont truffés de « culturespeak », c’est-à-dire de discours automatiques non-critiques sur la culture (Hannerz, 1999). En effet, dans l’ensemble des cabinets, la culture est présentée comme un agent social par une sorte de personnification. Une grande partie des compagnies donnent ainsi l’image d’une culture « actrice » : GI propose à ses clients d’apprendre à « Confidently interacting with another culture » ou bien de « Effectively doing business with another culture ». De même chez DOT, qui pose comme objectif général : « Our mission is to help you improve Presentation Skills and interact better with other cultures ». D’un certain côté, Eurosko a recours au même type de discours lorsqu’elle propose comme titre de formation : « How to do Business with India ». Dans une revue critique du multiculturalisme, Anne Philipps (2007) a bien articulé que la culture et le pays sont souvent utilisés de façon synonymique que ce soit par la doxa ou les chercheurs. Ainsi, dans ces extraits, ce n’est pas l’individu qui est traité mais bien sa culture, qui semble gouverner ses actions et actes d’interaction et cela de façon objectiviste.

2.3. Discours qui vont au-delà du culturalisme, discours janusiens ?

Dans cette section, nous ferons référence aux discours de trois cabinets qui semblent parfois aller un peu au-delà du culturalisme et du différentialisme mentionnés plus haut. Ce sont néanmoins des discours qui se rapprochent du modèle janusien, c’est-à-dire des discours combinant à la fois des aspects culturalistes et des aspects liquides/protéophiliques (cf. section 1). Commençons par DOT qui pose comme objectif de formation sur la Chine et l’Inde: « We provide insights into India’s/China’s rich and ancient culture and give tools for managing one’s own self (…) Increase participants‘ awareness of unstated cultural assumptions, stereotypes and prejudices ». Cette compagnie est l’une des seules à faire référence directement aux notions cruciales de stéréotypes et préjugés. Pourtant, si l’on revient aux définitions du terme culture proposées sur une autre page du site Web que le cabinet soutient par des définitions proposées entre autres par Hofstede (« Culture is the collective programming of the mind which distinguishes the members of one category of people from another ») et à la mission que se propose DOT (« Our mission is to help you improve Presentation Skills and interact better with other cultures ») qui relèvent clairement du culturespeak, on peut alors se demander comment amener les clients à faire la différence entre des faits et des connaissances générales sur un peuple et une culture, et des stéréotypes – la frontière entre les deux étant souvent mince car, en effet, un fait sur un peuple entier et une culture peut-il s’appliquer à tout habitant et résident d’un même espace géographique ?

Le cabinet CC de son côté va encore plus loin que DOT en spécifiant le fait que la culture est changeante. L’un des objectifs de formation décliné par le cabinet consiste à : « Examine the concept of culture and its characteristics, create a model that provides a framework for evaluation of behaviors, and explore the change dynamic in terms of regionalism, urbanization, generation, technology, and gender ». Ainsi, c’est un modèle d’analyse des différences au sein d’un même espace, à l’intérieur d’une « culture », d’un pays, qu’ils offrent. A nouveau, ce discours « liquide » (notons au passage qu’il se limite à certaines catégories autres que la nationalité – régions, ville/campagne, génération, sexe… – qui peuvent mener à d’autres catégorisations restrictives) est en quelque sorte contredit par un autre des objectifs généraux fixés par la compagnie : « Conduct country-specific briefings on business and social etiquette, entertainment, meetings and negotiations ».

Conclusions

Cette étude s’était donnée comme objectif d’examiner les discours de 16 cabinets interculturels dans cinq espaces géographiques différents. Malgré les distances entre ces espaces et les différences apparentes entre ceux-ci, on est d’abord surpris par un certain partage de discours dominants, utilisés pour vendre les services des cabinets aux clients. Ces « fonctionnaires de l’altérité » se positionnent soit très clairement pour une vaste majorité dans un « fétichisme des frontières » que les discours culturalistes « solides » permettent de faire circuler, soit dans une instabilité discursive qui les place dans des approches janusiennes entre le solide et le liquide.

Que faire alors pour rencontrer l’Autre dans le cadre de relations commerciales ? L’élément le plus urgent est de prêter attention au Culturespeak et de mettre fin à l’explication de tout par ce biais. Nous pourrions ainsi prendre en considération ce que B. MacSweeney (2002 : 113), dans sa critique acerbe du culturalisme de G. Hofstede, propose : « we need to engage with and use theories of action which can cope with change, power, variety, multiple influences – including the non-national – and the complexity and situational variability of the individual subject ». Elle se rapproche là beaucoup du modèle liquide proposé dans notre typologie des démarches interculturelles, qui prend en compte la mouvance identitaire, les constructions (inter-)discursives permanentes, les multi-appartenances et les relations établies entre les partenaires qui communiquent (Gaulejac, 2009 : 29), qui traversent tout acte de communication. Nous avons proposé nous-même un modèle de compétences protéophiliques (= apprécier les diversités de chacun) qui va au-delà de la diversité de façade (= qui réduit l’individu à son appartenance nationale) en proposant d’examiner ces phénomènes in vitro et in vivo (Dervin, 2007). Il reste maintenant à voir comment ces idées pourraient être appliquées dans le monde des affaires…

Bibliographie

Abdallah-Pretceille, M. (1986). Vers une pédagogie interculturelle. Paris : Anthropos.
Bauman, Z. (2001). Liquid Modernity. Cambridge: Polity.

Baumann, G. (1996). Contesting culture. Discourse of identity in multi-ethnic London.
Cambridge: Cambridge University press.

Dahlén, T. (1997). Among the Interculturalists, An Emergent Profession and Its Packaging of Knowledge. Stockholm: Department of Social Anthropology, Stockholm University.

Dervin, F. (2007). Evaluer l’interculturel : problématiques et pistes de travail. In Dervin, F. & E. Suomela-Salmi (éds.). Evaluer les compétences langagières et interculturelles dans l’enseignement supérieur. Turku : Publications du département d’études françaises, Université de Turku. P. 95-122.

Dervin, F. (2008). Métamorphoses identitaires en situation de mobilité. Turku : Presses Universitaires.

Eriksen, T.H. (2001). “Between Universalism and Relativism: ‘A Critique of the UNESCO Concept of Culture’”. In Cowan J. Dembour, M. & R. Wilson (eds.). Culture and Rights. Anthropological Perspectives. CUP: Cambridge. P. 127-147.

Gaulejac, V. de (2009). Qui est “je”?. Paris : Seuil.

Hannerz, U. (1999). Reflections on varieties of culturespeak. European Journal of Cultural Studies. Vol. 2. No. 3. 393407.

Holliday, A., Hyde, M. & Kullman, J. (2004). Intercultural communication. London: Routledge.

Humphreys, D. (2007). Intercultural Communication Competence: The State of Knowledge. Report prepared for CILT. The National Centre for Languages. Disponible à: http://www.cilt.org.uk/standards/donnareport.pdf

Laplantine, F. (1999). Je, nous et les autres. Paris : Le Pommier.

McSweeney, B. (2002). Hofstede’s model of national cultural differences and their consequences : a triumph of faith – a failure of analysis. Human Relations. P. 55. 89-117.

Ogay, T. (2000). De la compétence à la dynamique interculturelles. Collection Transversales : Langues, sociétés, cultures et apprentissages n°1. Bern : Peter Lang.
Philipps, A. (2007). Multiculturalism without culture. Oxford : Princeton University Press.

Pierre, Ph. (à paraître). L’interculturalisme comme horizon normatif en entreprise : dimensions morales de l’action en contexte multiculturel.

Pieterse, J.N. 2004. Globalization and Culture: Global Mélange. Chicago: Rowman & Littlefield.

Synergies Pays germanophones n° 2 (2009) — L’interculturel à la croisée des disciplines : Théories et recherches interculturelles, état des lieux

SYNERGIES PAYS GERMANOPHONES n° 2

L’interculturel à la croisée des disciplines : théories et recherches interculturelles, état des lieux

ISSN : 1866-5268

ISBN: 978-3-86938-008-7

Prix : 19,00 EURO (15 EURO avec Abonnement)


SOMMAIRE

Jacques Cortès, Président du GERFLINT,
Préface

Florence Windmüller,
Présentation

Partie I
Crise, antagonismes et construction de l’interculturel : vers une théorie de l’interculturalité ?

Jacques Demorgon,
L’interculturel entre ajustement et engendrement. Pour une cosmopolitique : tribus, royaumes, nations et monde

Daniel Derivois,
Des clivages idéologiques aux interculturalités intriquées : le défi de l’inter

Partie II
Perspectives éducatives, pédagogie des échanges et compétences opérationnelles

Béatrice Durand, Virginie Viallon,
Une approche comparée des cultures universitaires en France et en Allemagne

Marie-Nelly Carpentier,
Une éducation transfrontière sans égal en Europe et dans le monde

Aspasia Nanaki,
Pratiques associatives des étudiants en mobilité : acquérir à son insu des compétences pour une ouverture interculturelle

Julia Putsche,
La langue française, les Français, la France – Qu’en pensent les élèves allemands à l’école primaire ?

Partie III
Analyses et orientations en méthodologie, pratiques interactives

Andreas Rittau,
L’apprentissage de l’orthographe dans une perspective interculturelle franco-allemande

Marie-Odile Hidden,
Pour une approche interculturelle des genres discursifs

Driss Alaoui,
Le journal interculturel : une autre façon de traduire les préceptes de l’interculturel

Rosa Maria Chaves, Gillian Moreira,
La dimension interculturelle dans les programmes d’enseignement du FLE en Espagne et au Portugal

Partie IV
Dynamiques interactionnelles et cultures managiérales

Sara Merlino, Véronique Traverso,
Les séquences de traduction spontanée comme mécanisme de réparation dans les interactions professionnelles

Faouzia Benderdouche, Cédric Brudermann, Christine Demaison,
Interculturalité et enseignement des langues étrangères : regards croisés sur des pratiques menées auprès de publics d’élèves-ingénieurs

Vassiliki Markaki,
Le concept des catégories en Analyse Conversationnelle : une contribution à la réflexion de la construction des identités en milieu professionnel international

Fred Dervin,
Comment vendre à l’Autre ? Approches de l’interculturel dans le monde des affaires : Le cas des cabinets interculturels dans cinq pays

Contacts auteurs

Vassiliki Markaki — Le concept des catégories en Analyse Conversationnelle : une contribution à la réflexion de la construction des identités en milieu professionnel international

Le concept des catégories en Analyse Conversationnelle : une contribution à la réflexion de la construction des identités en milieu professionnel international

Vassiliki Markaki

Université de Lyon 2

Résumé : Notre étude, fondée sur des enregistrements vidéo de réunions professionnelles internationales, s’intéresse aux identités des participants comme des accomplissements collaboratifs, constitués dans et par le contexte de l’activité en cours. En nous basant sur la notion de « dispositif de catégorisation » en Analyse Conversationnelle, nous allons montrer comment les identités des professionnels émergent, se manifestent et sont revendiquées à travers un ensemble complexe et hétérogène de ressources et de pratiques.

Mots-clés : Analyse Conversationnelle, Catégories, Identités professionnelles, Participation

Abstract: Our paper, based on video recordings of international meetings, deals with identities as collaborative context-renewing and context- shaped achievements. Within the theoretical framework of Conversational Analysis, professional identities are conceived as they are built in social practices mobilizing a complex and heterogeneous set of resources. The concept of “membership categorization device” (Sacks) is used to investigate professional identities as membership categories made locally relevant within the meetings.

Keywords: Conversation Analysis, Membership categories, Professional Identities

1. Introduction

Notre étude s’inscrit dans le courant de l’Analyse Conversationnelle issue de l’ethnométhodologie (Schegloff & Sacks, 1973) ; (Schegloff, Jefferson & Sacks, 1977) ; (Sacks, 1992). Cette démarche implique, d’une part, une approche scientifique naturaliste qui se penche sur d’authentiques moments de parole en interaction et leurs spécificités et, d’autre part, un examen détaillé de la manière méthodique dont, non seulement les ressources linguistiques, mais aussi les ressources multimodales (gestuelles, visuelles, corporelles, etc.), sont mobilisées par les participants (Mondada, 2006).

Au sein de l’Analyse Conversationnelle (désormais AC), plusieurs travaux se sont focalisés sur les pratiques langagières en milieu professionnel (Drew & Heritage, 1992) ; (Boden, 1994) ; (Bowles & Seedhouse, 2007) ; d’autres études, connues sous le nom de Workplace Studies, se sont aussi intéressées au rôle de l’environnement de l’interaction au travail (Heath & Von Lehn, 2008). Enfin, d’autres recherches, développées de manière parallèle aux précédentes, se sont penchées sur les questions de catégorisation des participants dans l’interaction et plus précisément sur la manière par laquelle « members organize their interaction using categories, devices and predicates, mapped onto a category or collection of categories » (Housley & Fitzerald, 2002 : 580).

En nous référant à cet ensemble de travaux, nous allons définir les identités professionnelles en les rapprochant des catégories des participants et nous allons explorer, sur le plan séquentiel, comment ces identités sont indexicales, c’est-à-dire comment elles émergent, se manifestent et sont revendiquées à travers un ensemble, complexe et hétérogène, de ressources et de pratiques in situ en milieu professionnel international (Sacks, 1992).

Il est donc ici question d’un objet d’étude multidimensionnel, auquel très peu de recherches (en français en particulier) ont été consacrées, et pour lequel on observe un intérêt croissant. Cet intérêt pour les pratiques langagières des professionnels dans des situations multiculturelles et multilingues se traduit, entre autres, par le lancement de projets de recherche internationaux. Tel est le cas du projet européen DYLAN (Dynamiques des langues et gestion de la diversité, 6ème PCRD)[1], auquel se rattache l’étude ici présentée. Elle porte sur différents aspects des collaborations professionnelles plurilingues et est menée au sein de l’équipe Pluritalk.pro à l’université de Lyon (Laboratoire ICAR, CNRS).

2. Le corpus

Les extraits présentés dans cet article sont issus d’un corpus d’enregistrements vidéo d’un meeting entre des managers européens d’une compagnie pharmaceutique internationale. Les extraits de notre analyse sont tirés d’une activité de type „exposé“ suivi de questions de la part du public.

Pour des raisons de confidentialité, des pseudonymes ont été utilisés pour les participants, les noms des institutions et des produits. Par ailleurs, tous les enregistrements ont été réalisés sur la base d’un contrat nous permettant d’utiliser toutes les données enregistrées à des fins de recherche et d’enseignement.[2]

Les transcriptions du corpus sont réalisées en adoptant la convention présentée en fin d’article. Les transcriptions des extraits ont été simplifiées afin de faciliter leur lecture, mais ces extraits sont présentés dans leur version complète, plus complexe, en annexe.

3. Identité et Plurilinguisme.

Notre article se focalise sur un objet d’étude qui implique en pratique l’intrication de deux niveaux traditionnels d’analyse, à savoir, d’une part, le(s) identité(s) des participants, que l’on pourrait résumer à une catégorie permettant d’identifier la personne et son statut au sein d’un groupe, et, d’autre part, les catégorisations des participants dans et par le discours.

Dans les travaux actuels en linguistique, la prise en compte des processus interactionnels n’est pas une nouveauté et fait largement consensus au sein des communautés scientifiques ; ce qui fait moins consensus, c’est l’importance de ces processus associée à une granularité de description plus ou moins grande dans les interprétations scientifiques. Il nous semble cependant que dans tous les cas, l’approche interactionnelle nous engage, d’une part, dans une perspective de recherche holistique qui intègre différents niveaux d’analyse et, d’autre part, indexicale, qui tient compte de tous les observables possibles dans une situation donnée[3] et dans laquelle l’importance d’une description détaillée trouve tout son sens (Sacks, 1991).

Cet effort de formulation ne fait que reprendre, au carrefour des différentes approches praxéologiques en sciences humaines et sociales, l’idée fondamentale de l’approche de l’Analyse Conversationnelle, selon laquelle la conversation serait un prototype de l’interaction, incarnant les méthodes pratiques des participants pour créer ou modifier des liens sociaux (dans son acception la plus neutre, désignant ici les rapports humains).

Dans ce sens, l’identité est considérée ici telle qu’elle se construit et s’organise au fil d’une interaction. Que l’on appelle, comme Zimmerman ,transportable identities (1998 : 90), dans le sens d’un ensemble de catégories latentes activées ou pas au fil de l’interaction, ou que l’on fasse la distinction, comme Richards dans son étude sur les identités professionnelles, entre identité individuelle vs. identité de groupe (2006), l’identité ainsi définie est intrinsèquement liée aux pratiques interactionnelles des participants et correspond à un terme plus générique en sociolinguistique interactionnelle qui est celui de l’identité sociale (Androutsopoulos & Georgakopoulou, 2003).

Cette définition n’est pas nouvelle et plusieurs sociolinguistes en ont fait la proposition (Gumperz & Cook-Gumperz, 1982 ; Auer, 2007). Nous retenons, pour notre article, la conception d’Antaki-Widdicombe (1998 : 3) que nous retrouvons aussi chez Auer (2007 : 8), basée sur les travaux de Harvey Sacks et de ses successeurs et selon laquelle le concept d’identité peut être défini d’après cinq grands principes :

1) Pour une personne, avoir une identité, revient à être associée à une catégorie comportant un ensemble de caractéristiques

2) Cette catégorisation est indexicale et contingente

3) L’identité est pertinente pour l’interaction en cours (localement située)

4) Les identités des participants sont consécutives (consequential) pour l’interaction

5) Tout ce travail de catégorisation peut être saisi dans l’élaboration des séquences interactionnelles

Un troisième niveau, moins étudié, est à considérer dans notre étude, en relation avec la spécificité du contexte plurilingue. En effet, ce dernier, facile à comprendre et à exemplifier dans ses formes plutôt distinctives, comme le code switching, les références explicites aux langues, nationalités, etc., est beaucoup plus difficile à saisir dans les constructions lingua franca. Nous nous interrogerons alors sur la nature exacte d’un contexte plurilingue qui, de plus, est professionnel, et ses effets sur la construction des identités.

4. Les processus de catégorisation selon Harvey Sacks

Parler du caractère situé et endogène des identités ne revient pas à dire qu’il n’y a aucune réalité extérieure à l’interaction (Auer, 2007). Pour comprendre ce rapport entre le caractère plutôt macro et le caractère local des identités, le dispositif de catégorisation proposé par Sacks a fait ses preuves. Comme le souligne Auer (2007 : 9), Sacks a réussi ce défi de l’analyse interactionnelle en se basant sur les travaux de Schültz et en définissant les catégories dans leur opposition à d’autres catégories et la construction d’une identité dans son opposition à autrui (ALTER).

Nous allons en premier lieu présenter le dispositif de catégorisation proposé par Harvey Sacks, avant de revenir à ce milieu particulier qui nous intéresse, à savoir le contexte professionnel plurilingue.

Harvey Sacks (1992) met en lumière trois concepts analytiques clés pour expliquer les processus de catégorisations : le dispositif de catégorisation, les catégories d’appartenance et les category-bound activities.

4.1.1 Les dispositifs de catégorisation : des mécanismes séquentiels complexes

Sacks désigne comme « dispositifs de catégorisation », « les collections de catégories, ainsi que les règles d’utilisation pour les appliquer à des ensembles de personnes » (Bonu et alii, 1994 : 137). Dans l’exemple qui suit (Fig.1), Albert (désormais ALB) est spécialiste des risques nucléaires et vient de faire une conférence plénière sur la thématique de la gestion des risques liés à la santé. À la fin de sa présentation, plusieurs questions lui ont été posées. L’animateur de la réunion (ANI) demande au public s’il y a d’autres questions :

1 ANI : other questions/

alb ((se tourne vers le public))

2 SIL : (0.8)

3 ANI : < may[be/ ((s’approche du pupitre))>

alb ((se tourne vers Ani))

4 ALB : [ I (.) i just had french (.) colleagues to (.) he hh he hh

5 .h eh ask questions ((rire))

ani (( sourit))

6 ANI : I would like…..

Figure 1: Catégories et collections de catégories

Nous avons choisi un exemple, à première vue très simple, pour mieux illustrer ce que Sacks a appelé le „dispositif de catégorisation“. Plusieurs catégories sont visiblement à l’oeuvre ici. De manière non thématisée mais visible, ANI effectue une action typique de l’animateur, responsable de la distribution de la parole et de la sélection des membres du public (l.1). ALB, en se tournant vers le public et en l’inspectant à la recherche d’une main levée, manifeste sa quête d’une personne qui prenne la position de “membre actif du public”. En absence de telle personne, ANI s’approche du pupitre et prend la parole (l.3) ; très rapidement, et en chevauchement, ALB fait un commentaire thématisé (l.4) en référant au fait qu’il n’a eu des questions que de la part des collègues français ; de cette manière, il rend pertinente toute une série de catégories : “collègue”, “français”, “personnes posant des questions”, ainsi que leurs contreparties négatives (ceux qui ne sont pas collègues, pas français, et ne posent pas de questions)[4]. ALB souligne ainsi son niveau de compréhension de la situation en exploitant un élément catégoriel qu’il a dégagé de l’intervention même de l’ANI ; en effet ce dernier peut s’identifier en tant que participant aux deux volets de la catégorie énoncée par ALB « : le fait qu’il soit un collègue français et le fait qu’il s’apprête à poser une question ».

Le tour tronqué de l’ANI (l.3) repris en ligne 6 sert par conséquent à énoncer une question ; celui-ci s’est orienté, à un moment où l’absence de prise de parole était marquée (l.2 : silence de 0,8 sec) vers une action pertinente et attendue à cet instant. Il quitte en effet son travail d’animateur pour revêtir une autre position, celle de poseur de questions, qui n’est pas en contradiction avec sa première mission. La poursuite de son action en ligne 6 converge par ailleurs avec le commentaire de ALB. De cette manière, il confère rétrospectivement un statut à part entier à la catégorie „collègue français qui pose des questions“.

Toutes ces catégories appartiennent à des dispositifs de catégorisation ou des collections de catégories différentes ; ainsi on retrouve la collection « ethnicité », « expertise », « appartenance à un groupe professionnel », etc.

On observe aussi que l’activation de quelques catégories parmi certaines collections a suffi pour catégoriser la totalité des participants présents. Évidemment, en raison du caractère dynamique de l’interaction, ces catégories ne sont pas figées et peuvent évoluer et/ou laisser leur place à d’autres catégories ou d’autres dispositifs au fur et à mesure qu’émergent les contributions d’autres participants.

4.1.2 Les catégories d’appartenance

Par catégorie d’appartenance (membership categories), Sacks, et par la suite ses successeurs, (Housley & Fitzerald, 2002 ; Hester & Eglin, 1997, Watson, 1997) désigne les catégories personnelles des participants, par exemple, « français », « père de famille », « directeur », etc. Plusieurs chercheurs ont exploré la question des catégories d’appartenance en fonction de différents contextes (l’organisation institutionnelle : Clayman & Heritage, 2002 ; l’action en cours manifestant des catégories d’expertise : Bonu, Mondada, Relieu, 1994 ; l’influence de la présence de chercheurs sur le cadre participatif : Mondada, 2007, etc).

Les résultats de ces travaux convergent sur le point suivant : dans un contexte donné, il y a plusieurs catégories qui sont disponibles virtuellement, liées à l’organisation spatiale, à l’action en cours, à la présence de caméras et de chercheurs, au genre et à l’ethnie des participants, etc., mais seulement certaines d’entre elles seront choisies, activées, rendues pertinentes pour l’interaction par les participants. De plus, ces dernières, une fois activées, ne se maintiennent pas nécessairement durant la totalité de l’interaction, mais sont préservées ou transformées, moment par moment et de manière collaborative, par les co-participants (pour un exemple voir, Markaki, Merlino, Mondada, & Oloff, à paraître).

4.1.3 Les category-bound activities (et pour aller plus loin les activity-bound categories)

Cette notion désigne une série de catégories qui sont typiquement liées à des activités particulières. Par exemple, l’action de « pleurer » est souvent associée à la catégorie des « enfants ». Ainsi, si quelqu’un pleure, qu’il soit enfant ou adulte, il sera catégorisé comme un enfant (Sacks, 1992). Dans notre exemple, poser une question est une activité typique du public, ou d’un certain type de public, tout comme répondre est une activité de l’orateur. Dans ce sens, un élément contextuel est en quelque sorte „transmuté“ en une catégorie d’appartenance.

Outre les category-bound activities décrites par Sacks, on pourrait identifier les activity-bound categories. Pour nous, ce lien entre activité et catégorie est particulièrement intéressant car il comporte des traces de la création d’un savoir partagé autour d’une catégorie liée à une activité et de la manière dont cette dernière peut être actualisée. Ainsi, en décrivant les category-bound activities, on décrit aussi un processus complémentaire (celui des activity-bound categories), c’est à dire, comment, à travers un apprentissage social et culturel, les participants utilisent des méthodes reconnues et reconnaissables afin d’être associés à une catégorie précise et voulue à un moment donné. Ces dernières se rapprochent des catégories d’appartenance, et joueraient un rôle aussi important qu’elles dans la construction des identités ; cependant, à la différence de celles-ci, le dispositif de catégorisation serait moins implicite, il agirait de manière plutôt marquée, indexicalement parlant, sur le cours des choses[5]. Par exemple, un membre du public qui répond à une question posée par un autre membre du public, se mettrait à la place de l’orateur en faisant comme lui, et pourrait éventuellement de la sorte prétendre par la suite aux mêmes obligations et droits inhérents à cette catégorie (voir ci-dessous). Comme pour toute catégorie, l’accomplissement de ces catégories est avant tout collaboratif et implique l’intelligibilité des actions engagées pour les participants présents.

4.2. Catégories et analyse séquentielle

Il se trouve que l’analyse catégorielle et l’analyse séquentielle sont intrinsèquement liées (Watson, 1997) : les catégories sont rendues pertinentes au fil de l’organisation séquentielle et sont maintenues ou changées par les enchaînements spécifiques entre une action et une autre. Malgré cette évidence, pendant longtemps, les chercheurs ont préféré des analyses distinctes entre le niveau séquentiel et l’analyse catégorielle des interactions.

Goodwin et Duranti (1992) font remarquer l’ancrage contextuel des catégories des participants et l’effet de ces catégories sur le contexte. Par conséquent, en raison d’une grande mutabilité du contexte dans lequel se déroule une interaction, on ne peut pas affirmer à priori la pertinence d’un contexte plutôt qu’un autre (professionnel, vs. culturel, vs. personnel, etc.), d’une catégorie plutôt qu’une autre (directeur, vs. collaborateur, vs. expert, etc.). La puissance des outils méthodologiques de l’Analyse Conversationnelle trouve ainsi son origine dans la proposition de considérer le contexte en termes de procédures et ceci en étudiant la manière avec laquelle, non seulement le contexte est d’abord pertinent pour les participants, mais aussi comment ce même contexte configure leurs pratiques interactionnelles (Schegloff, 1991)

Dans cette perspective Housley et Fitzerald (2002) montrent de manière intéressante comment les positionnements séquentiels, en lien étroit avec les membership categories, déclenchent des droits et des obligations qui définissent à leur tour (en validant ou en modifiant) l’organisation séquentielle et par conséquent les catégories d’appartenance. Leur proposition nous servira de base pour essayer de traiter sans distinction à priori les trois niveaux annoncés du phénomène étudié ici, à savoir l’identité, le discours et le contexte plurilingue, constituants formant l’ensemble de ce qu’on appelle l’“identité sociale“.

4.3. Les identités en milieu professionnel interculturel

Sur la base des concepts analytiques proposés par Sacks nous avançons l’hypothèse que les identités sociales (telles qu’elles ont été définies plus haut) relèvent aussi bien des catégories d’appartenance, que des category-bound activities.

S’intéresser aux identités professionnelles dans une perspective conversationnelle, c’est s’intéresser justement à des catégories d’appartenance de professionnels, telles qu’elles se réalisent dans la séquentialité et la temporalité d’une interaction. Les identités dans les situations professionnelles constituent un bon exemple analytique où le chercheur se trouve confronté à l’évidence macro-sociologique de catégories socioprofessionnelles, de type « directeur », « manager », « supérieur », outre que « étranger », « non-natif », et la réalité micro-sociologique où les participants, à toutes fins pratiques, retravaillent in situ ces catégories. Ainsi ils les sélectionnent ou pas, les modifient, les explicitent, les activent de manière implicite, etc.

Dans les réunions interculturelles, la question est de savoir quelles catégories pertinentes sont activées en contexte – concernant les identités professionnelles, nationales, ou linguistiques des participants – par les participants eux-mêmes avant qu’elles soient soulignées par l’analyste.

5. Les identités professionnelles en tant que catégories d’appartenance émergentes

Faute d’espace, nous allons exemplifier notre propos à l’aide d’une seule séquence tirée d’un meeting professionnel international. Cependant les résultats présentés ici sont vérifiés dans de nombreux autres cas analysés au sein de notre équipe (Mondada et al., 2009, Markaki & Mondada, à paraître ; Mondada, 2006, 2004).

5.1. L’extrait

Figure 2 : Mattheo Ramakis (orateur)

Figure 3 : De gauche à droite: Flora Rastier, Eric Lavoisier (debout) , Rita Zerweck (de dos, en partie)..

Mattheo RAMakis (RAM) vient de présenter un logiciel conçu par le service des affaires médicales de sa filiale en Grèce. À la fin de son exposé, Flora RAStier (RAS) lui pose une question (non reproduite ici). À la fin de la réponse, elle passe le micro directement à un autre membre du public, Rita ZERweck (ZER). L’extrait que nous allons étudier commence à cet instant. Rita ZERweck, après avoir pris le micro, pose une question à Ramakis. Eric LAVoisier (LAV) est le président de séance.

Nous avons ici une situation avec des participants ayant, à priori, des connaissances asymétriques autour d’un sujet, situation déjà décrite par Drew (1991). Ainsi, RAM se positionne en tant qu‘ expert, en occupant la place de l’orateur face à un public supposé non expert ou moins expert que lui. Drew avait déjà signalé qu’une asymétrie en connaissances ne signifie pas l’absence totale de savoir pour une des deux parties. Par ailleurs, il avait montré comment les identités des participants sont liées à ces asymétries de connaissances. Mais regardons de plus près la suite.

5.2. La première question

Dans l’extrait qui suit, ZER prend la parole et pose une question à RAM concernant une information liée à l’enregistrement du produit (un nouveau vaccin) dans la base des données du logiciel qu’il vient de présenter (lignes 14-21).

13 SIL (0.5)

14 ZER is: the the product h (.) recorded/ the product

lav ((se déplace et se met à côté de Zer))

15 ZER i:s/ .h

16 SIL (0.3)

17 ? °(yes)°=

18 ZER = so it’s not just vaccination but also the product which is .h

19 (0.3) recorded/

20 SIL (0.7)

21 ZER in the data base/ h

22 RAM it Is: not °recorded° (0.3) it’s

23 vaccination i forgot *to: (.)* *to show you this+* xxx xxx xxx

+tape à l’ordinateur

lav *regarde et tend le bras droit vers le micro*

lav *regarde Ram, touche son visage*

24 SIL (2.7)*(0.2)

lav *regarde Zer

Figure 4 : La première question : un désaccord en émergence

ZER produit d’abord une question directe bipolaire, qui projette une réponse en « oui » ou en « non » (l.14). On sait que les questions de ce type induisent une certaine préférence pour un des types de réponse (Koshik, 2002). L’absence de réponse immédiate de RAM (l. 16-17 et puis l. 20) entraîne une élaboration progressive de la première question de ZER (l. 15, 18-19, 21) à travers une reformulation qui précise les limites de la réponse attendue entre deux possibilités (le nom du médicament dans la base des données vs. le nom de la thérapie dans la base des données). Cette reformulation (auto- réparation) précédée du marqueur „so“, traite le silence de RAM comme un trouble qui peut être interprété de deux manières : soit comme un problème à répondre sur un sujet délicat ou non maîtrisé par RAM, soit comme un problème de compréhension qui serait lié à une compétence limitée en anglais. Il n’est pas possible de trancher ici entre les deux aspects – et peut-être que les membres eux-mêmes ne tranchent pas, mais ZER affiche désormais de manière indirecte une certaine maîtrise du sujet.

Selon le principe du dispositif de catégorisation, l’émergence de l’identité sociale de ZER construit simultanément une identité sociale pour RAM ; les interactants vont agir sur ces constructions au fil de l’échange. Il est intéressant de noter ici, le rôle du regard de deux participants ; ces derniers établissent jusqu’à la ligne 23 une attention mutuelle en se regardant et modifient le cadre participatif. Cette disposition permet aux participants de remplir de manière claire, sans chevauchement au niveau langagier, leurs rôles d'“orateur/expert“ et „public/poseur de question“. RAM apporte une réponse négative à ZER et se tourne vers son ordinateur pour y projeter quelque chose pour le public (l.23).

On vient d’évoquer que les participants occupent ainsi les catégories « orateur » / « public », tout en rendant pertinent un autre dispositif, « expert » / « non expert » : ZER s’aligne à la position de « non experte » à travers la formulation d’une question ; RAM, à qui elle s’adresse, affiche son « expertise » à travers sa capacité de répondre – l’action de répondre faisant aussi partie des obligations de l’orateur.

La tentative de LAV de récupérer le micro au moment où RAM entame une autre activité (l. 23) manifeste son orientation vers la fin de la séquence Question/ Réponse initiée par ZER. ZER paraît s’opposer à cette complétude en gardant le micro et en motivant rétrospectivement une autre réponse attendue à sa question, qui n’est pas celle fournie par RAM (voir Fig.5), à savoir une réponse positive.

5.3 Désalignement des participants et remise en cause des expertises

Dans l’extrait qui suit, ZER conteste explicitement la réponse de RAM et manifeste ainsi le véritable statut de sa première question (un préambule et non une simple demande d’information) montrant un désalignement avec RAM. Il s’agit ici d’un désaccord émergent. À travers la formulation directe ZER „revendique“ une expertise certaine dans le domaine et met en cause l’asymétrie au niveau des connaissances, établie jusqu’à alors. D’ailleurs, la manière avec laquelle ZER s’auto-sélectionne et tente de rétablir l’attention mutuelle, c’est-à-dire, en interpellant RAM avec une intonation montante pendant qu’il tape sur son ordinateur (ligne 35-38), renverse l’asymétrie établie des participants en termes du cadre participatif. ZER en effet ne pose plus une question, mais critique la réponse de RAM et se positionne ainsi comme un expert qui remet en cause l’expertise de RAM ; les catégories „orateur/public“ sont de moins en moins saillantes et donc pertinentes pour les participants.

Liebscher et Dailey-O’Cain (2007) ont montré comment la construction d’une identité basée sur une asymétrie pose la question du positionnement des participants les uns par rapports aux autres.

35 ZER but you ne- euh (.) you need to know that if you want to (.) to see

36 a[ny perspective (of re]spective)

37 RAM [yes i’m going to: ] ((RAM tape sur le clavier mais rien n’apparaît sur l’écran))

38 SIL (0.3)

39 RAM yes but (.) you [cannot write] down the: database/ april

40 ZER [xxx xxx ]

41 SIL (0.8)

42 RAM (there is) a few very vaccines of course I’m going to (.) to

43 know thIs (0.5) but euh:[:

44 ZER [how of/

Figure 5 : Le désalignement explicite des participants.

De manière intéressante, pendant le moment où une nouvelle attention mutuelle est établie (l.39-44) on observe plusieurs chevauchements indiquant ainsi un travail supplémentaire à celui de donner une simple réponse. En termes catégoriels ou d’identité, il est question ici d’une négociation de l’expertise, et plus précisément de la remise en cause de l’expertise, à travers une argumentation divergente („yes but“).

5.4 Emergence d’une expertise et ressources plurilingues

Plus loin, après que ZER a formulé plusieurs objections, RAM lui demande plus de précisions :

70 RAM what do you mean by this I’m I/ [it’s not clear for me]

71 ZER [yeah xxx xxx ] euh euh

72 it’s just a simple question if you (0.4) if you do all this (.) recording of

73 information on the subjects or on the patients (0.8) slash (.) hein/(0.5) heum(.)

74 and and you want to (0,3) make one day to an- analysis (0,8) euh with respect

75 to (.) prevention of certain (0,3) diseases/ h

76 SIL (0,3)

Figure 6 : ZER affirme son expertise.

Ici, nous observons une réactualisation du cadre participatif initial „orateur/poseur de question“ mais cette fois-ci le cadre est inversé ; en effet, l’orateur devient la personne qui pose des questions (70) et la participante du public, celle qui donne des réponses. À première vue, l’expertise de RAM est à nouveau remise en cause, alors que l’expertise de ZER s’affirme de plus en plus.

Mais il serait faux de considérer la question de RAM comme une sorte de déclaration d’ignorance. Premièrement, c’est RAM lui-même qui initie cette première paire et il serait étonnant de le voir renoncer à son expertise. Puis, cet énoncé arrive à la suite de plusieurs objections en chevauchement de la part de ZER, rendant l’alternance des tours de parole moins fluide. De plus, un problème technique de projection (transcription entre la ligne 47 et la ligne 70 non présentée ici) a stoppé complètement pendant quelques minutes l’échange. Dans ce sens, la question de RAM sert aussi à reprendre le débat, mais pas n’importe comment. En effet, la reprise se fait sur une hétéro-initiation d’une réparation (demande de reformulation) traitant l’échange d’avant comme quelque chose de confus, puisque réparable. RAM minimise la critique sous-jacente envers ZER en ramenant le problème de compréhension à un niveau personnel („it’s not clear for me“).

L’énoncé de ZER « it’s just a simple question » (72) a de toute évidence un statut ambigu dans l’interaction. En s’alignant par dislocation à gauche à la minimisation produite par RAM, l’énoncé de ZER minimise la portée de l’acte qu’elle réalise, tout en exhibant les problèmes possibles de RAM, aussi bien relatifs à ses compétences linguistiques qu’à sa capacité à répondre en tant qu’expert.

Au fil de ces extraits, on assiste donc à une modification du couple « expert » / « non experte », passant à un format plus symétrique, « expert / experte », voire se renversant en « non expert / experte ». Ainsi sont construites les identités sociales des participants. Concernant les ressources plurilingues, bien qu’il s’agisse d’une situation classique d’Anglais Lingua Franca sans code switching, plusieurs indices révèlent la réalité plurilingue, voire exolingue, sous-jacente. En effet, il y a des indices de problèmes d’écoute et de compréhension, ainsi que des tours de parole avec de longues pauses et des perturbations. Les éventuelles lacunes en langue n’empêchent toutefois pas le cours de l’interaction. Au contraire, les participants peuvent les ignorer (Firth, 2008) ou s’en servir comme des ressources pour faire autre chose, par exemple, critiquer le travail d’un collègue et de cette manière collaborer à la construction des identités professionnelles situées.

Par conséquent, on ne parlera pas d’identités plurilingues, mais de performances plurilingues contribuant à la construction des identités sociales en milieu professionnel. Pour aller un peu plus loin quant à la spécificité d’un contexte plurilingue dans la construction des identités, on dira qu’à l’instar de tout élément contextuel, ce dernier n’est pas pertinent à priori pour les participants. Cependant, ces derniers peuvent actualiser certaines obligations et certains droits liés à la réalité plurilingue, comme l’utilisation d’une lingua franca, la primauté de la compréhension mutuelle au détriment d’un langage correct d’un point de vue formel ou, comme dans notre exemple, l’utilisation implicite de cette réalité pour pallier aux remises en cause des expertises.

6. Discussion

Dans cet article, nous avons présenté les principes de l’analyse catégorielle en association avec l’analyse séquentielle comme base conceptuelle pour l’exploration des identités professionnelles en milieu international. C’est en effet au fil du déroulement séquentiel de l’interaction que les catégories se manifestent comme pertinentes ou non : ce sont les participants qui exhibent dans l’interaction leurs orientations mutuelles situées. Au fur et à mesure, et grâce à un travail interactif, les participants valident et/ou modifient ces orientations.

Dans ce sens, les identités sont configurées par et configurantes du contexte (Garfinkel, 1967). De plus, le contexte interactionnel implique différents niveaux de contexte, plus ou moins macro et plus ou moins micro, le tout « embedded within the flow of interaction » (Housley & Fitzerald, 2002 : 585). Ainsi, chaque rencontre professionnelle devient le lieu d’une possible redéfinition, voire d’une création d’identités professionnelles.

Par ailleurs, nos travaux montrent que l’aspect international au travail, caractérisé entre autres par le plurilinguisme, est très rarement traité en tant que tel. En effet, les „dynamiques collectives et individuelles ne dépendent pas uniquement des formes du plurilinguisme, mais de la manière dont elles sont agencées au sein de l’organisation séquentielle de l’interaction“ (Mondada et al. 2009 : p 146). Comme pour l’extrait de la figure 6, le plurilinguisme, voire la compétence en L2 des participants dans les réunions professionnelles, sont non seulement très souvent implicites, mais ils peuvent être utilisés, aussi bien comme une ressource par les participants pour affiner la compréhension mutuelle, que comme une ressource pour évaluer/critiquer les expertises professionnelles, au-delà des « réelles » compétences linguistiques des participants et de leur appartenance ethnique.

D’une manière générale, les résultats de nos travaux à ce stade, conduisent à penser que l’on pourrait envisager l’interculturalité au travail comme un dispositif de catégorisation virtuellement disponible, et donc, comme une ressource potentielle contribuant à l’émergence endogène, locale et située des identités professionnelles.

Conventions de transcription

[ chevauchements (.) micro-pause

(2.3) pauses chronométrées .h/ h aspiration/ expiration

< > délimitation des phénomènes entre (( )) durée d’un phénomène vocal

((rire)) phénomènes non transcrits : allongement vocalique

/ \ intonation montante/ descendante\ exTRA segment accentué

& continuation du tour de parole = enchaînement rapide

xxx segment incompréhensible ^ liaison

(il va) transcription incertaine °bon° murmuré

£ben£ segment produit avec une voix rieuse par- troncation

Notation des gestes (version LM 2.0.6)

Les gestes sont décrits en italique et en grisé à la ligne successive de la parole qui leur est simultanée. Le début et la fin des gestes décrits sont repérés par rapport au tour de parole grâce à des symboles spécifiques pour chaque participant:

* * indique le début/la fin d’un geste d’un locuteur, décrit à la ligne suivante ;

+ + indique le début/la fin d’un geste d’un autre locuteur, décrit à la ligne suivante ;

$ $ indique le début/la fin d’un geste d’un autre locuteur, décrit à la ligne suivante ;

% % indique le début/la fin d’un geste d’un autre locuteur, décrit à la ligne suivante ;

Si à la ligne suivante ce n’est pas le geste du locuteur mais celui d’un co-participant qui est décrit, alors son initiale figure au début de la ligne en minuscule. S’il s’agit du locuteur en train de parler, il n’y a pas d’initiale.

dia notation concernant la diapositive à l’écran

| démarcation du début/de la fin de l’apparition de la diapositive

…. amorce du geste

,,,, fin/retrait du geste

—-> continuation du geste aux lignes suivantes

—->> continuation du geste jusqu’à la fin de l’extrait

>>– geste ayant commencé avant le début de l’extrait

(( sourit)) simple mention du mouvement/ geste sans indication du début/ de la fin à la ligne précédente (parole).

Notes

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Annexes

1 ANI : O*ther questions/

alb *se tourne vers le public

2 SIL : (0.8)

3 ANI : +ma*y[be/

+s’approche du pupitre

alb *se tourne vers Ani

4 ALB : [ I/ (.) i just had +frEnch (.) colleagues to (.) he hh he hh

ani +sourit

5 .h Eh ask quEstions hh he .h

6 ANI : i would like…..

Figure 1: Catégories et collections de catégories

13 SIL *(0.3)*$ % (0.2)%

ras >> tend le micro vers LAV et puis passe le micro à ZER$

lav *s’approche de RAS pour récupérer le micro————->*

zer %attrape le micro et le rapproche de sa bouche%

14 ZER *Is: the the prOduct/ h (.) rEcorded/ the prOduct\

lav *se déplace et se met à côté de Zer——->

15 ZER i:s/ .h

16 SIL (0.3)

17 ? °(yes)°=

18 ZER = so\ it’s not/ jUst\ vAccination/ but Also the prOduct which is .h

19 (0.3) rEcOrded/*

lav ———–>*

20 SIL (0.7)

21 ZER *In/ the dAta base/ h*

lav *se tourne vers RAM *

22 RAM it Is:\ nOt\ °recorded° (0.3) it’s

23 vAccination\ i forgOt/ *tO: (.)* *to shOw you\ this\+* xxx xxx xxx

+ tape à l’ordinateur

lav *regarde et tend le bras droit vers le micro*

lav *regarde Ram, touche son visage*

24 SIL (2.7)*(0.2)*

lav *regarde Zer *

Figure 4 : La première question : un désaccord en émergence

35 ZER bUt/ you ne- euh/ (.) you need/ to knOw/ that if/ you\ want/ to (.) to see/

36 a[NY/ perspective/ (of re]spective)

37 RAM +[yes i’m going to: ]

+>> tape sur le clavier

38 COM ((RAM tape sur le clavier mais rien n’apparaît sur l’écran))

39 SIL (0.3)

40 RAM yes $bUt (.) +you [canNOT write] down\ the: database/ apr+Il\++

lou $s’approche de Ram—>

ram +mains vers la gauche (écran)————————>+

+sourire+

41 ZER [xxx xxx ]

42 SIL (0.8)

43 RAM +(there is) a few vEry vaccInes\ of cOUrse+ +i’m going to/ (.) to

+mains devant en ouverture—————>+

+tape sur le clavier–>

44 knOw\ thIs (0.5) bUT EUh:[:

45 ZER [hOw of/

Figure 5 : Le désalignement explicite des participants.

70 RAM w:hAt/ do you mean by thIs i’m\ I/ [it’s not clear for me]

71 ZER [yEah/ xxx xxx ] euh euh

72 it’s jUst/ a\ simple/ question/ if YOU (0.4) if you dO/ all this: (.) +recOrding\ Of

ram +acquiesce,mouvement

73 informAtion/ On/ the sUbjEcts/ Or\ on the pAtients (0.8) slash/ (.) hein/(0.5) hEUm:(.)

ram de la tête——————- mouvement plus marqué———————>

74 And/ and/ you wAnt to/ + +(0,3) mAke/ one dAy/ to an- anAlysis/ (0,8) EUh:/ with respect

ram —————————–>+ +enlève la main de la poche. Tape sur le clavier—->

75 tO/ (.) prEvention/ of\: cErtain/ (0,3) dIsEAses/ h

76 SIL (0,3)

Figure 6 : ZER affirme son expertise.

[1] Pour plus d’informations sur le projet européen DYLAN, consulter le site: www.dylan-project.org.

[2] L’équipe du laboratoire ICAR participe de manière active à plusieurs comités éthiques en linguistique concernant la gestion des données collectées et du consentement éclairé des participants. Pour plus d’informations voir Baude (2006).

[3] Le caractère holistique de la recherche en question fait référence à la complexité de l’action humaine. On pourrait y opposer une recherche, sans qu’elle soit pour autant de moindre importance, portée uniquement sur les gestes sans tenir compte du langage verbal ou des aspects multimodaux de l’interaction. Cette caractéristique de l’interaction implique de nombreuses collaborations et aspire à l’interdisciplinarité.

[4] Ici, il est question de la définition des catégories par opposition à quelque chose d’autre. Voir l’introduction de la partie 4.

[5] Une partie de la thèse que je suis en train de préparer sera consacrée à l’étude de ce type de catégories. Markaki Vassiliki “ Collaborer en plusieurs langues : L’organisation des interactions professionnelles plurilingues“ (en cours de rédaction).

Rosa Maria Chaves, Gillian Moreira — La dimension interculturelle dans les programmes d’enseignement du F.L.E en Espagne et au Portugal

La dimension interculturelle dans les programmes d’enseignement du F.L.E
en Espagne et au Portugal

Rosa Maria Chaves,
Gillian Moreira,
Université d’Aveiro

Résumé :
Actuellement, un enseignant de Français Langue Etrangère (F.L.E) qui aspire à répondre aux défis lancés par la démarche interculturelle se doit d’assumer une orientation vers la diversité inhérente à la langue française. Il se doit d’assumer le fait qu’apprendre le français amène à une rencontre interculturelle avec la diversité du monde francophone et du monde en général. Il s’agit donc d’appréhender la langue française dans toute la splendeur de la diversité culturelle qui compose le monde francophone, mais aussi de promouvoir la diversité linguistique et culturelle à une échelle mondiale. Aussi, actuellement, un enseignement du F.L.E qui ne contemplerait pas cette évidence nous apparaîtrait comme des plus dépassés.
A partir de l’analyse de programmes scolaires et de tableaux de contenus de manuels scolaires d’enseignement du F.L.E en vigueur au Portugal et en Espagne, nous tenterons de déterminer dans quelle mesure ces documents officiels font la promotion d’une rencontre interculturelle et visent réellement la promotion de la diversité linguistique et culturelle.

Mots-Clés : didactique des L.E et du F.L.E – Interculturel – Langues et diversité culturelle

A teacher of French as a Foreign Language today who wishes to respond to the challenges posed by the intercultural turn must adopt a stance inclusive of the diversity inherent in the French language. Indeed they must embrace the fact that learning French leads to an intercultural encounter with the diversity of French Speaking countries and of the world in general. It is thus a question of (re)conceptualising the French language in the wealth of cultural diversity which characterises French speaking countries and at the same time supporting language and cultural diversity on a world scale. It is also the case that a teacher of FFL today who does not contemplate this situation is likely to find themselves out-dated.
On the basis of an analysis of school syllabi and the tables of contents of FFL course books in use in Portugal and Spain we will attempt to determine to what extent these official documents promote intercultural encounter and actually incorporate the promotion of linguistic and cultural diversity.

Key-words : foreign language didactics – F.F.L. – Interculturality –Language and cultural diversity

1. Introduction

Un jour en marchant dans la montagne, j’ai vu une bête.
En m’approchant, je me suis aperçu que c’était un homme.
En arrivant près de lui, j’ai vu que c’était mon frère !
Proverbe Tibétain

Actuellement, un enseignant de F.L.E qui aspire à répondre aux défis lancés par la démarche interculturelle se doit d’assumer une orientation vers la diversité inhérente à la langue française. Il se doit d’assumer le fait qu’apprendre le français amène à une rencontre interculturelle avec la diversité du monde francophone et du monde en général. Apprendre le français, c’est surtout apprendre à connaître l’Autre, à accepter la pluralité des identités que cette langue peut véhiculer. Il s’agit d’appréhender la langue française dans toute la splendeur de la diversité culturelle qui compose le monde francophone, mais aussi de promouvoir la diversité linguistique et culturelle à une échelle mondiale. Il est donc primordial de préparer les apprenants de F.L.E à être efficace sur le plan interculturel en favorisant un dialogue interculturel avec Autrui qui s’avère être, pour reprendre les termes du Conseil de l’Europe “un échange de vues ouvert, respectueux et basé sur la compréhension mutuelle, entre des individus et des groupes qui ont des origines et un patrimoine ethnique, culturel, religieux et linguistique différents. Il s’exerce à tous les niveaux – au sein des sociétés, entre les sociétés européennes et le reste du monde” (Conseil de l’Europe, 2008 : 12).
A partir de l’analyse de programmes scolaires et des tableaux de contenus de deux manuels scolaires d’enseignement du F.L.E (relatifs aux adolescents de la tranche d’âge 14-15 ans) en vigueur au Portugal et en Espagne, nous tenterons de déterminer dans quelle mesure ces documents officiels visent réellement la promotion de la diversité linguistique et culturelle et de la rencontre interculturelle.

2. Former des locuteurs interculturels
Avec l’introduction de la dimension interculturelle dans l’enseignement des langues étrangères, on pose comme objectifs que l’apprenant de langues acquière une capacité de développer des relations de respect mutuel avec les locuteurs d’autres langues et qu’il ait pleine conscience de son identité et de celle de ses interlocuteurs, devenant ainsi un “locuteur interculturel” capable de vivre avec et dans la diversité. C’est dans ce sens que chaque locuteur/interlocuteur doit reconnaître chez l’Autre un statut de sujet, en acceptant une réciprocité de regards.
En réalité, la compétence interculturelle diffère d’une simple compétence culturelle dans le sens où elle s’avère être orientée vers l’Autre qui est considéré comme un interlocuteur possédant le même statut que Moi et avec lequel je communique, j’ai des relations, j’interagis sur un plan d’égalité. Par conséquent, la compétence interculturelle ne peut être considérée comme étant seulement une compétence pour communiquer avec un étranger. Elle est également une compétence qui permet la communication avec Autrui sur la base d’un respect mutuel. La dimension interculturelle de l’enseignement des langues étrangères doit aider l’apprenant dans sa capacité de décentration dans la mesure où se produit une orientation positive vers l’altérité. Par contre, il ne s’agit pas de nier son identité, car c’est par le rapport/confrontation à l’altérité qu’apparaît une définition de l’identité de chaque individu. Préparer l’enfant, le plus tôt possible, à l’ouverture à l’Altérité, à la relativisation de ses points de vue et à une ouverture de ses horizons (non exclusivement orientés vers des horizons déjà dominants) constitue un défi actuel de l’enseignement des langues étrangères.
Avant d’aller plus loin, nous nous devons de rappeler le fait que l’acquisition d’une compétence interculturelle est transversale au curriculum scolaire, elle ne se cantonne donc pas exclusivement au cours de langue étrangère. C’est ici cependant que l’enfant/adolescent est en contact, dès les premiers instants, avec les autres langues-cultures. Le cours de langue étrangère s’avère être un espace privilégié pour le développement d’attitudes et de savoirs en adéquation avec la compétence interculturelle.

3. La promotion de la diversité et de la rencontre interculturelle par l’enseignement du F.L.E dans les programmes officiels ibériques
Dans cette partie, nous nous attarderons plus particulièrement sur des documents-clés de l’enseignement des langues étrangères et notamment du F.L.E au Portugal et en Espagne (relatifs aux adolescents de la tranche d’âge 14-15 ans). Nous tenterons donc de vérifier dans quelle mesure ces documents officiels font la promotion d’une rencontre interculturelle et visent réellement la promotion de la diversité linguistico-culturelle. Les documents analysés sont les suivants :
– Ministério da Educação. 2002. Currículo Nacional do Ensino Básico. Competências Essenciais. Lisboa: ME.
– Ministério da Educação. 2000. Programa Francês. Plano de organização do Ensino-Aprendizagem. Ensino Básico 3.º Ciclo. Lisboa: Imprensa Nacional-Casa da Moeda.
– Ley Orgánica 2/2006 de Educación, de 3 de mayo, BOE n.º 106 del jueves 4 de mayo 2006.
– Real Decreto 1631/2006, de 29 de diciembre, por el que se establecen las enseñanzas mínimas correspondientes a la Educación Secundaria Obligatoria. BOE n.º 5 de viernes 5 de enero de 2007.

3.1. La réalité officielle portugaise
En 2002, le Ministère de l’Education portugais édita un document intitulé Competências Essenciais do Currículo Nacional do Ensino Básico dans lequel il définit un ensemble de compétences considérées comme essentielles et structurantes au niveau du développement du curriculum national et ce, pour chaque cycle de l’Enseignement Basique (6-15 ans). En ce qui concerne les compétences spécifiques des langues étrangères, ce document stipule notamment dans son introduction qu’“il est nécessaire d’envisager l’apprentissage des langues étrangères dans l’optique de la construction d’une compétence plurilingue et pluriculturelle dans les termes énoncés dans le CECR.” (p.39). L’objectif pour devenir compétent en langue est le même et ce, quelle que soit la langue enseignée : être compétent en langues signifie “s’approprier un ensemble de connaissances relatives à la langue, en tant que savoir organisateur et de la culture des peuples qui l’utilisent, en tant qu’expression de leur identité (…) cela signifie aussi, développer des caractéristiques individuelles en relation avec la personnalité de chacun, notamment des attitudes de réceptivité/interaction en relation avec d’autres manières d’être et de vivre.” (p. 40).
Dans ce profil d’apprenant compétent en langues, l’objectif visé est de faire en sorte que l’apprenant de langues acquière une compétence interculturelle qui lui permettra de comprendre, d’accepter et de vivre avec l’altérité et la diversité.

En ce qui concerne le niveau d’enseignement du 3ème Cycle de l’Enseignement Basique (3ème C.E.B) (12-15 ans), si l’on examine à nouveau le document Currículo Nacional do Ensino Básico – Competências Essenciais, on observe néanmoins que les compétences spécifiques ne font guère la promotion du plurilinguisme et du pluriculturalisme. En réalité, elles s’en tiennent à une espèce de «bi-linguisme et de bi-culturalisme». Il existe certes une décentration mais cette décentration de la seule langue-culture maternelle est exclusivement axée vers un vecteur unidimensionnel. En fait, la diversité inhérente notamment au monde francophone se trouve être totalement niée par les objectifs spécifiques de ce document officiel par la simple utilisation de l’article défini singulier « la ».
Voyons, à titre d’exemples, deux objectifs posés par ce document pour la fin du 3ème CEB:
– Etablir des relations – affinités/différences – entre la culture d’origine et la culture étrangère (LE I);
– Reconnaissance d’affinités/différences entre la culture d’origine et la culture étrangère (LE II).

En ce qui concerne le programme d’enseignement du 3ème C.E.B, il convient d’insister sur le fait qu’il s’agit d’un programme qui date de l’année 2000. Ce programme n’intègre donc évidemment pas les diverses orientations du Cadre Européen Commun de Référence et des Competências Essenciais do Currículo Nacional do Ensino Básico. Toutefois, rappelons qu’il est toujours en vigueur aujourd’hui…
D’emblée, l’introduction du programme de Français Langue Etrangère I du 3ème C.E.B, souligne la nécessité de „fournir une vision générique et globale de la vie française et de la France“ (p.7). La diversité francophone s’en trouve être totalement éludée. Il semblerait donc que la langue française se trouve être cantonnée à un monde de références unidimensionnel « franco-centré ».

Quant à la lecture des objectifs généraux du programme du 3ème C.E.B, nous n’ avons pu faire ressortir qu’un seul vecteur qui puisse néanmoins promouvoir des valeurs et des attitudes pour l’acceptation d’autres réalités orientées vers le monde francophone et non exclusivement franco-français: „Approfondir la connaissance de sa propre réalité socioculturelle à travers la confrontation avec des aspects de la culture et de la civilisation des peuples d’expression française“ (p.11-31). Par ailleurs, on invite l’apprenant à „interpréter les aspects de la culture et de la civilisation françaises dans une perspective interculturelle“ (p. 12). Il existe certes une intention d’amener l’apprenant de français à se décentrer (aptitude fondamentale à une rencontre avec l’altérité) mais cette décentration s’avère être, comme nous pouvons le constater dans cet objectif, exclusivement centrée sur une dimension « franco-française».

Quant aux contenus, là aussi la pauvreté de références à la diversité linguistique et culturelle est de mise. Les contenus s’avèrent être centrés sur la réalité franco-française comme nous pouvons le constater dans le tableau de contenus de Langue Etrangère I dont les différents domaines de références sont intitulés de la façon suivante : “Le jeune Français d’aujourd’hui”, “Les Français dans la France d’aujourd’hui”, “La France d’aujourd’hui et la France en Europe et dans le monde” (p.13). La Francophonie n’apparaît que dans ce troisième niveau de référence et il s’agit d’y aborder la présence française dans le monde notamment dans les pays francophones sous une perspective ethnocentrique “franco-centrée”.
Pour ce qui est des contenus de français en tant que Langue Etrangère II, force nous a été de constater que la situation ne s’améliorait guère, bien au contraire. Aucune référence à la diversité francophone ou à la diversité tout court n’apparaît dans ce tableau de contenus spécifique.

En ce qui concerne le niveau d’enseignement du 3ème C.E.B, les objectifs spécifiques et les contenus de ce degré d’enseignement pour l’enseignement du F.L.E s’avèrent être orientés vers la singularité franco-française et non pas vers la diversité. Par ailleurs, à aucun moment il n’est fait référence à des objectifs qui puissent promouvoir la mise en œuvre d’attitudes susceptibles de permettre la rencontre et le dialogue interculturel.

3.2. La réalité officielle espagnole
En ce qui concerne l’enseignement des langues étrangères, la nouvelle Ley Orgánica de Educación 2/2006 du 3 mai (LOE) ne se réfère pas exclusivement au F.L.E mais à toutes les langues étrangères. Avec la LOE, le système éducatif espagnol est entré dans une perspective de didactique des langues et des cultures (au pluriel) où les objectifs et les contenus généraux sont applicables à toute langue étrangère enseignée dans le système éducatif espagnol.
Un changement de paradigme est introduit dans cette nouvelle LOE et notamment dans le préambule où l’enseignement des langues étrangères apparaît comme étant un des moyens pour s’ouvrir au monde extérieur. L’apprentissage des langues étrangères est présenté comme une nécessité pour vivre dans la société européenne actuelle. La pluralité linguistique caractéristique de l’Espagne est renforcée et l’interculturalité apparaît très clairement comme un objectif de cette LOE par le biais de l’article 2 : “La formation au respect et à la reconnaissance de la pluralité linguistique et culturelle de l’Espagne et de l’interculturalité comme élément enrichissant de la société”.

Si l’on reprend la LOE et que l’on analyse les objectifs généraux de l’Enseignement Secondaire Obligatoire (ESO) (12-16 ans), l’article 23 points d), i) et j) (p.17169) stipule comme objectifs de l’enseignement secondaire [objectifs d’ailleurs repris par le Real Decreto 1631/2006 (p.679]):
d) Fortifier ses capacités affectives dans tous les domaines de la personnalité et dans ses relations avec les autres, ainsi que rejeter la violence, les préjugés de tout type, les comportements sexistes et résoudre pacifiquement les conflits.
i) Comprendre et s’exprimer dans une ou plusieurs langues étrangères de manière appropriée.
j) Connaître, apprécier et respecter les aspects fondamentaux de la culture et la propre histoire des autres, ainsi que le patrimoine artistique et culturel.
Aucune référence explicite n’est faite à ce niveau à la dimension interculturelle. Toutefois, nous avons relevé ces trois objectifs qui semblent s’encadrer dans une volonté de développer une dimension interculturelle dans l’enseignement secondaire. Ainsi, dans le point d), apparaît une volonté de développer des capacités affectives indispensables dans les relations avec les autres, au dialogue interculturel. Quant au point i), il renforce la nécessité de l’apprentissage des langues étrangères qui s’avère être, comme nous l’avons déjà souligné, une rencontre avec d’autres modes de vie, de penser et de vivre, une rencontre avec l’altérité. Néanmoins, on peut regretter l’utilisation de l’expression « de manière appropriée » qui est des plus floues et qui peut laisser place à diverses interprétations.

Dans l’analyse de la liste des objectifs présentés en matière de langue étrangère dans le document spécifique à l’ESO (le Real Decreto 1631/2006), nous avons relevé un objectif qui peut promouvoir une démarche interculturelle et la diversité linguistico-culturelle: “Valoriser la langue étrangère et les langues en général, comme moyen de communication et la compréhension/entente entre personnes de différentes origines et de cultures en évitant toute forme de discrimination et de stéréotypes linguistiques culturels”
Quant aux contenus, par la création d’un bloc de contenus intitulés «Aspects socioculturels et conscience interculturelle», la dimension interculturelle y apparaît explicitement. Officiellement, on voit surgir une volonté de faire en sorte que les apprenants connaissent “des coutumes, des formes de relations sociales, des traits et des particularités des pays où l’on parle la langue étrangère, en définitif, des formes de vie différentes des siennes. Cette connaissance va promouvoir la tolérance et l’acceptation, augmentera l’intérêt pour la connaissance de différentes réalités sociales et culturelles et facilitera la communication interculturelle” (p.742). Il est donc question de former des citoyens capables d’adopter des attitudes positives et réceptives à l’égard des autres langues et cultures tout en valorisant en même temps leur(s) propre(s) langue(s). Dans cette perspective, les langues étrangères sont considérées comme un moyen pour le développement de la compétence sociale et de la citoyenneté, notamment par la reconnaissance et l’acceptation des différences culturelles et comportementales. Elles favorisent le respect et le dialogue avec l’altérité.

En ce qui concerne les contenus spécifiques du Bloc 4 de LE I, nous avons pu faire ressortir quatre objectifs qui visent la connaissance de l’Autre et la mise en place de la valorisation de la rencontre et du dialogue interculturels:
– Valorisation de l’utilisation de la langue comme moyen pour communiquer avec des personnes de différentes provenances
– Identification des traits communs et des différences les plus significatives qui existent entre les us et coutumes, les attitudes et les valeurs de la société, dont on étudie la langue, et la culture maternelle, ainsi que le respect à l’égard des autres
– Connaissance des éléments culturels les plus significatifs des pays où l’on étudie la langue étrangère
– Valorisation de l’enrichissement personnel qui suppose la relation avec des personnes appartenant à d’autres cultures (p.747)

Quant aux contenus de LE II, on retrouve les mêmes principes, résumés dans cette phrase : “Les élèves doivent considérer la deuxième langue étrangère, qu’ils utilisent comme instrument de communication en classe ou avec des personnes d’autres cultures, comme une valorisation de leur enrichissement personnel, que suppose la relation avec des personnes originaires d’autres cultures, et comme une marque de respect envers les locuteurs de cette langue en dépassant les stéréotypes qu’ils ont à l’égard de ces derniers” (p.766).

Officiellement, l’enseignement des langues étrangères en Espagne se place donc dans une perspective d’ouverture à l’Autre et de promotion du dialogue interculturel. Les langues étrangères s’avèrent être selon ce décret “un élément-clé dans la construction de l’identité européenne: une identité plurilingue et multiculturelle” (p.764).

4. Les manuels d’enseignement du F.L.E
Dans le cadre de cette brève analyse, nous avons restreint notre corpus aux tableaux de contenus de deux manuels scolaires de LE II communément utilisés pour la tranche d’âge 14-15 ans en Espagne et au Portugal:
– Costa, S & Pacheco, L. 2002. Club des mots 3 – 9º ano. Porto Editora: Porto.
– Bourdais, D. et al. 2001. Copains 3. Oxford Educación: Ariz-Basauri.

De prime abord, si l’on observe les tableaux de contenus du manuel portugais, il convient de souligner le fait que les contenus grammaticaux semblent avoir été la priorité des auteurs. En effet, seule la grammaire apparaît mise en relief dans ce cadre. Quant à de possibles contenus culturels, ils ne sont explicitement présents que dans la section Mapas (cartes). Et d’emblée, on peut souligner le fait que la France semble être l’image-référence prédominante de ce manuel. Ainsi, sur cinq cartes fournies, une seule carte représente le monde francophone. Ce plan de contenus est donc énonciateur d’un enseignement de la langue française plutôt fortement orienté vers la France et non vers la diversité de la Francophonie et du monde.
Nonobstant cette tendance, nous avons tout de même observé, dans chaque unité, la présence d’une petite section intitulée Savoir… Savoir-être dans laquelle l’objectif avoué des auteurs est d’approfondir les connaissances sur la France, les Français et le monde en général, mais également de faire en sorte que les apprenants connaissent d’autres expériences de vie et qu’ils puissent, pour reprendre les termes des auteurs, “grandir en tant qu’individu qui vit et interagit avec les Autres”. A ce stade des intentions des auteurs, préparer l’apprenant à la rencontre avec l’altérité et au dialogue interculturel apparaît donc dans une certaine mesure. On ne s’en tient pas à aux seuls savoirs culturels et il semble donc qu’il y ait une volonté de préparer les apprenants à entrer en relation avec des personnes appartenant à d’autres cultures.

Quant à l’analyse du tableau des contenus du manuel espagnol, (contrairement au manuel portugais) elle fait ressortir une certaine préoccupation dans l’introduction de thèmes culturels. Les auteurs ont d’ailleurs créé une section à part entière intitulée Civilisation ainsi qu’une rubrique Magazine qui aborde des thèmes culturels.
Par la simple lecture de ces contenus, il semblerait que ce manuel ne soit pas exclusivement axé sur la France, mais il n’est pourtant guère fait référence au monde de la Francophonie. On pourrait donc croire, en se tenant à ce tableau de contenus, qu’il s’agit plutôt de thèmes relatifs à la vie d’adolescents de 14-15 ans qui vivent dans le monde de la globalisation. La seule référence explicite à la France est faite dans la rubrique Magazine de l’Unité 1 « Teste tes connaissances : voyage en France ». Mais, en observant de plus près ces contenus, notamment par la présentation des personnages des six unités (p.6-7), force est de constater que ce manuel s’avère être exclusivement orienté vers l’altérité franco-française et en particulier sur les régions françaises hexagonales illustrées par les diverses unités du manuel. La seule référence culturelle non franco-hexagonale apparaît dans la rubrique Magazine, par le biais des «Petits déj’ européens».
Les auteurs s’en tiennent, à ce niveau, à l’acquisition de savoirs qui, certes sont indispensables à une compétence interculturelle et qui permettent de mieux connaître l’altérité française, mais qui s’avèrent être insuffisants pour permettre aux apprenants d’entrer en relation, de communiquer et d’interagir avec l’altérité et la diversité. En fait, il s’agit de fomenter une prise de conscience interculturelle qui passe par différents types de savoirs dits « interculturels » (savoirs, savoir-faire, savoir-être et savoir-apprendre). Pour reprendre les termes de Michael Byram (2002), la compétence interculturelle n’est pas une compétence qui permet de dialoguer avec un étranger (avec une personne de nationalité, de culture différentes), mais avec autrui (une autre personne). L’objectif est donc d’apprendre la rencontre et non pas d’apprendre la culture de l’autre. Il s’agit bien d’éveiller et de cultiver une conscience interculturelle dans le sens où l’apprenant doit être sensibilisé à la diversité culturelle certes, mais doit être amené à rencontrer l’altérité.

5. Conclusion

„Le cours de langue constitue un moment privilégié
qui permet à l’apprenant de découvrir
d’autres perceptions et classifications de la réalité,
d’autres valeurs, d’autres modes de vie… “
Myriam Denis

Dans le cadre de cet article, nous avons pu constater que la dimension interculturelle était appréhendée à des degrés divers dans les programmes d’enseignement du F.L.E portugais et espagnols pour la tranche d’âge des 14-15 ans. L’analyse de ces programmes nous a montré qu’il existait un décalage abyssal entre ces deux réalités ibériques. L’Espagne nous apparaît, pour ce niveau d’enseignement, plus engagée dans la mise en place d’une dimension interculturelle dans l’enseignement du F.L.E et des langues en général.
En fait, ce décalage est essentiellement dû à une raison d’ordre temporel. En effet, la loi régissant le système éducatif espagnol (datant de 2006) est bien plus récente que la Loi de Base du système éducatif portugais qui date de 1986. Bien que quelques ajustements ponctuels aient été réalisés au Portugal (notamment en 1991 et 2000 par l’élaboration de nouveaux programmes pour l’Enseignement Basique et par l’introduction du document régulateur du Curriculum National en 2002), la nécessité de procéder à une actualisation générale des programmes d’enseignement en matière de langues étrangères est actuellement largement reconnue au Portugal.
Par ailleurs, l’organisation politico-administrative des deux pays pourrait expliquer cette différence de traitement de la diversité linguistico-culturelle à l’école. En effet, le Portugal est un pays profondément centralisé ayant uniquement deux langues officielles, le Portugais et le Mirandais (le Mirandais n’a été officialisé qu’en 1999) ; tandis que l’Espagne (divisée en dix-sept communautés autonomes) possède cinq langues co-officielles : le Castillan, le Basque Euskera, le Catalan, le Galicien et l’Aranais. Aussi, depuis 1978, cette décentralisation et la déconstruction de politiques linguistiques centralisées consacrent donc constitutionnellement la diversité linguistico-culturelle en Espagne. Et cela a pu éventuellement mener à une prise de conscience de la valeur de la richesse inhérente à la diversité linguistico-culturelle.
Quant à la brève analyse des tableaux de contenus des manuels scolaires, nous avons pu observer que les contenus culturels présentés étaient fortement franco-centrés, ne promouvant donc pas la diversité linguistique et culturelle et la rencontre avec l’altérité non exclusivement française. Par ailleurs, notamment pour le cas du Portugal, il est à noter qu’en dépit d’un programme officiel où la dimension interculturelle était totalement oubliée, le manuel tentait, dans une certaine mesure, de pallier cette lacune.
Actuellement, un enseignement du F.L.E qui ne contemplerait pas cette dimension interculturelle nous apparaîtrait anachronique et ne contribuerait guère à une promotion du dialogue interculturel. Il est donc fondamental de sensibiliser, en amont, les concepteurs des programmes éducatifs et des manuels scolaires à la promotion de ce dialogue interculturel, car le cours de langue étrangère s’avère être un espace privilégié pour le développement d’attitudes et de savoirs en adéquation avec la compétence interculturelle.

Notes

La traduction des citations issues des textes officiels portugais et espagnols a été réalisée par nos soins.

Bibliographie
– Byram, M. et al. 2002. Développer la dimension interculturelle de l’enseignement des langues. Une introduction pratique à l’usage des enseignants. Strasbourg : Editions du Conseil de l’Europe.
– Moreira, G. & Chaves, R-M. 2008. « Educar para a diversidade: o contributo do ensino de línguas estrangeiras». In Livro de actas da Conferência Ibérica Educação para a Cidadania. Lisboa: Centro de Investigação em Educação – Universidade de Lisboa, p.179-188.
– Conseil de l’Europe. 2008. Livre blanc sur le dialogue interculturel. Vivre ensemble dans l’égale dignité. Strasbourg : Editions du Conseil de l’Europe.
– De Carlo, M. 1998. L’interculturel. Paris : Clé International.
– Denis M. 2000. « Développer des aptitudes interculturelles en classe de langue ». In Dialogues et cultures n°44. De la Diversité. Paris : FIPF, p. 62.
– Ministerio de Educación y Ciencia. 2005. Una educación de calidad para todos y entre todos. Madrid: Marín Álvarez Hinos SA.
– Sercu, L. (2005). Foreign Language Teachers and Intercultural Competence. Clevedon. Multilingual Matters.

Julia Putsche — La langue française, les Français, la France … Qu’en pensent les élèves allemands à l’école primaire ?

La langue française, les Français, la France …
Qu’en pensent les élèves allemands à l’école primaire ?

Julia Putsche
UHA Mulhouse

Résumé : Une étude menée dans une école primaire allemande sur l’enseignement bilingue allemand – français dans la région frontalière avec l’Alsace, a permis de déceler les représentations de très jeunes élèves âgés de six et sept ans vis-à-vis du pays voisin et de les confronter à une première sensibilisation à l’interculturel.

mots clés : Bilinguisme précoce, relation franco-allemande, école primaire, région transfrontalière, représentations

Abstract: A study in a german primary school in the french-german boarder region shows how very young pupils think about the culture and the language of the neighbour-country. The pupils are 6 and 7 years old and are in a bilingual class. The study allows a first step in direction to intercultural awareness for very young learners.

Key words: Bilingual education in primary school, German French relationship, border region, language awareness

Quand on vit dans une région frontalière, l’Etranger, l’habitant de l’autre côté de la frontière, est souvent un peu moins « abstrait » pour les personnes vivant dans cette situation de proximité géographique que pour d’autres vivant à l’intérieur du pays. Or, cette « présence concrète » n’est pas forcement plus positive ou plus accueillante que celle d’une personne résidant loin du pays et de la population en question. Cet article montrera, dans un premier temps, la situation géographique, historique, politico-éducative et linguistique du cadre de notre étude, puis, dans un second temps, il traitera du groupe cible de notre enquête, un groupe d’enfants scolarisés en classe paritaire à l’école primaire allemande (la moitié de l’enseignement est dispensé majoritairement en langue française) et leurs enseignants. Afin d’expliquer les différentes situations d’interculturalité, le lien sera fait entre le cadre familial des enfants et l’opinion de ces derniers pour expliquer certaines attitudes. Finalement, nous ferons le point sur les représentations des enfants vivant juste à côté de la frontière avec la France. Y a-t-il un véritable sentiment de proximité ou l’idée de l’étranger et de l’Autre prédomine-t-elle ? L’enseignement paritaire peut-il amener à une meilleure compréhension interculturelle dès le plus jeune âge?

La situation géographique

La ville de Kehl se situe directement à la frontière entre la France et l’Allemagne. Sa grande voisine est Strasbourg, une des plus grandes villes dans la région du Rhin supérieur. La proximité avec la France est omniprésente dans la ville de Kehl – commerces, administrations et d’autres institutions dans la ville, présentent leurs offres ou services en allemand et en français. Chaque employé de magasin, policier, marchand de légumes sur le marché, ou autre personne travaillant à Kehl, parle un peu français. En ce qui concerne l’apprentissage des langues, et en particulier l’apprentissage précoce d’une langue étrangère, Kehl fait partie des villes qui proposent le français comme première langue étrangère. Selon le principe de territorialité, dans la région du Rhin supérieur, le français est la première langue étrangère obligatoire. Cela s’applique également à l’apprentissage précoce d’une langue étrangère.
En effet, depuis l’année scolaire 2003/2004, chaque enfant scolarisé au Bade-Wurtemberg apprend une langue étrangère dès l’âge de six ou sept ans. La plupart du temps, il s’agit d’un enseignement dit « extensif », c’est-à-dire, deux à six heures d’enseignement hebdomadaire de la langue étrangère. L’école primaire « Falkenhausen » à Kehl est pourtant une école avec un véritable profil français.
Nous trouvons dans cette école différentes filières dont des classes dites « paritaires » allemand – français. Le concept de cet enseignement s’inspire des sites d’immersion linguistique paritaire. En Alsace, les sites « paritaires » existent depuis une quinzaine d’années dans l’enseignement primaire. Dans ce système, la moitié de l’enseignement est dispensée en allemand (en L 2), l’autre moitié en français.
Quelques élèves scolarisés dans une de ces classes paritaires à Kehl, fréquentaient auparavant des jardins d’enfants à « profil français » . Ces jardins d’enfants ont été instaurés dans le but de faire acquérir aux enfants quelques bases linguistiques de la langue cible avant la scolarité obligatoire. En classe paritaire à l’école primaire, certaines matières sont enseignées en français, d’autres en allemand (Geiger-Jaillet, 2006 : 96-136). L’école dont il est question n’a pas tout à fait réalisé une répartition de 13h/13h d’heures d’enseignement, les élèves ayant 15 heures d’enseignement en allemand et 11 heures en français. De plus, il s’agit de tranches horaires de 45 minutes.

Le groupe cible

Demander à des apprenants leur avis sur les langues étrangères, leur apprentissage et l’image qu’ils ont des locuteurs de ces langues, n’est pas nouveau. En France, les sociolinguistes travaillent à partir des représentations, des attitudes et des stéréotypes. En Allemagne, les recherches sur « l’image » des langues s’inscrivent dans le champ de recherche des Subjektive Theorien (Groeben, Schlee et Scheele, 1988 & Kallenbach, 1996) et des Sprachattitüden. Nous ne démontrerons pas les similarités et les différences des courants en France et en Allemagne. Il s’agit ici de rappeler la différence des termes et leur emploi dans les recherches menées dans les deux pays. Récemment, une étude à échelle européenne a étudié les attitudes et les représentations linguistiques dans différents pays européens auprès d’apprenants de 11 et 15 ans (Meißner, 2008). Notre étude se différencie ici dans le fait que nous avons travaillé avec de très jeunes apprenants scolarisés en septembre 2008. Pour connaître un peu mieux le cadre familial et linguistique des enfants concernés, nous avons demandé aux parents de remplir un questionnaire socioprofessionnel qui nous renseigne sur la situation linguistique de l’enfant et de sa famille : l’origine des parents, leurs formations scolaires et professionnelles, ainsi que leur opinion sur la France, la langue française et l’enseignement paritaire à l’école primaire. 29 familles ont rendu le questionnaire rempli et donné leur accord pour que leur enfant participe à l’étude. Parmi les 29 enfants, il y a 17 garçons et 14 filles. 24 enfants ont la nationalité allemande. 12 sont issus de familles « germano-allemandes » et 12 de familles mixtes ; cinq enfants ont d’autres nationalités. 18 des enfants participant à l’étude parlent plus d’une langue à la maison. La plupart du temps, ils utilisent deux langues dans leur quotidien (l’allemand et une autre langue, dont l’une est toujours la langue maternelle d’un des parents ou des parents). Dans deux cas, les enfants sont confrontés à trois langues parlées dans leur entourage familial. Les langues autres que l’allemand, qui sont parlées dans les familles, sont les suivantes : le turc (pour la majeure partie des cas), l’arménien, le perse, un dialecte somalien, l’afghan, le serbo-croate, le français, l’arabe, le russe et le kurde.

La biographie des parents est également importante pour pouvoir analyser la situation interculturelle dans laquelle évolue un enfant. Nous constatons que 14 pères et 18 mères sont nés en Allemagne. Pour 12 des 14 pères nés en Allemagne, l’allemand est également la langue maternelle. Des 18 mères nées en Allemagne, seulement 10 déclarent être de langue maternelle allemande. En tout, 19 mères et 17 pères déclarent avoir une autre langue maternelle que la langue allemande. Au sein des familles, seulement 13 couples de parents ne communiquent qu’en allemand entre eux – les autres parents parlent soit allemand et une autre langue (8), soit seulement une autre langue.
D’après un simple décompte, nous constatons que beaucoup d’enfants contribuant à cette étude vivent en milieu plurilingue et probablement aussi pluriculturel. Pour ces enfants, l’aspect interculturel ne consiste pas seulement à suivre des cours en allemand et en français et, par conséquent, à être confronté à la langue française, mais repose aussi sur le fait d’être scolarisé en Allemagne sans vivre avec des parents « germano-allemands », de parler souvent la langue d’origine (désormais LO) avec au moins un des deux parents, de parler l’allemand avec les frères et sœurs, la LO avec les amis qui la partagent, l’allemand avec les amis d’origine allemande ou autre, et parfois une autre variation de la LO avec les grands-parents.

Les représentations des enfants

Bei Grundschulkindern ist die Einstellung gegenüber Fremdem und Ausländern noch wenig verfestigt und klar, sondern eher von individuellen Erlebnissen geprägt. (Weier 2007: 3)
Lors des interviews, nous avons constaté cette situation évoquée par Weier. Une grande partie des enfants a déjà vécu des expériences avec la culture au-delà de la frontière et utilisent cette expérience pour expliquer ce que c’est, d’après eux, d’être Français. Ces expériences sont positives ou négatives et donnent souvent l’impression d’avoir été consciemment ou inconsciemment influencées par les parents.

En leur demandant ce à quoi ils pensent spontanément quand on leur dit « la France » (Was ist spontan in deinem Kopf, wenn Du an das Land Frankreich denkst ?, question 15 de l’entretien), on constate qu’il y a des réponses très variées :

? Eigentlich, wenn ich da umzieh‘, dass ich keine Freunde krieg un‘ so
? Also die Sprache find‘ ich lustig
? Dann denk‘ ich an Straßenbahnen, an Bussen *, an französische Sprache
? Dass es gut ist in Frankreich
? Dass wir da mal auf‘m Spielplatz war‘n
? Dass ich auch so‘n bisschen Französisch sprechen muss
? Hause*. Manche sind so und manche sind so. Manche haben eine Spitze am Haus und manche nicht
? Da sind viele Menschen und da gibt es so ein Theaterding
? Ich denke, das Land is‘ schön
? Das Meer

En ce qui concerne le pays, les représentations des enfants sont surtout influencées par le vécu. 28 des 29 familles affirment avoir déjà été en France, à Strasbourg surtout, mais aussi dans d’autres régions pour y passer les vacances. Quand on prend en considération les représentations des enfants sur le « pays France », il est évident qu’ils ont des idées assez concrètes parce qu’ils associent beaucoup de traits caractéristiques de la ville voisine avec ce qui est « la France ». Ils remarquent des différences dans l’architecture, la taille de la ville, qui est beaucoup plus importante que celle de Kehl, la présence de bus et de tramways. A six ou sept ans, ils sont capables de répondre concrètement à la question en prenant comme référence la capitale de l’Alsace. Souvent, quand on interroge des (jeunes) apprenants sur leurs représentations sur une langue ou une nationalité, ils sont d’abord en mesure de nommer des avis stéréotypés sur une autre culture.

Bei der Auseinandersetzung mit einer anderen Kultur wir das Unerwartete, das Typische der fremden Kultur mit den Gegebenheiten der eigenen Kultur verglichen, was eine generelle kognitive Operation zur Erkenntnisgewinnung darstellt. In kulturvergleichenden Aussagen fallen dabei auch bei Kindern sprachlich vor allem der Gebrauch des Komparativs („Italienische Züge sind schmutziger als deutsche“), der Negation („In Deutschland gibt es keine Schuluniformen“) oder der Beschreibung und Generalisierung von Einzelementen („Die Italiener haben alle schwarze Haare“) auf .
(Weier 2007: 4)

Ceci n’est pas le cas chez les élèves de Kehl. Comme la situation frontalière leur permet d’avoir un contact réel avec l’autre pays (et si les parents se servent de ce contact réel pour familiariser leurs enfants avec la proximité française), leurs représentations sont influencées par des éléments concrets (bus, trams, les modes de construction, etc.). En leur posant la question sur leurs représentations vis-à-vis des Français (« Was ist in deinem Kopf, wenn Du an die Menschen aus Frankreich denkst, also an die Franzosen ? » ), cette concrétisation n’est plus valable :

? dass die genauso leben wie wir
? Nett, ähm, dann weiß ich nichts mehr
? Sie sprechen Französisch und fahren mit dem Auto ein bisschen schneller
? Dass die andere Sachen machen und ‘ne Sprache sprechen, die ich auch nicht mehr so gut kann
? Dass ich auch Französisch kann
? Die sin‘ irgendwie so anders als Deutsche, also ich bin nicht Deutscher, Armenier, die verstehen Deutsche nich‘ so gut
? Dass die ‘ne andere Sprache reden, dass die anders schreiben
? Ich hasse das.
I: Wie bitte?
Ich hasse das
I: Du hasst es? Die Franzosen?
Ja
I: Warum ?
Ich mag die, aber die sind jeden Tag hier, ich glaube, die wollen hier Urlaub machen, die kommen hierher
? Dass sie reden und ich nix verstehe
? Da denk‘ ich, dass die Französen* die Hasen klauen, weil in der Zeitung steht das. Aber nur Hofhasen.
? Toll!
? Die braune Haut
? Da denk‘ ich an meine Freundin
? Zum Beispiel, wenn ich mit meiner Mama nach Frankreich gehe und da ist ein Zebrastreifen und kommt‘n Franzosenauto und die fahr‘n einfach durch

Nous découvrons, en posant cette deuxième question, divers types de réponses. En reprenant les classifications de Weier (entre autres), nous constatons l’utilisation de la forme comparative («die fahren mit dem Auto ein bisschen schneller »), de l’opposition (« dass die andere Sachen machen », « die sin’ irgendwie so anders als Deutsche », « dass die ‘ne andere Sprache reden, dass sie anders schreiben ») et de la stéréotypisation, parfois négative, (« und fahren mit dem Auto ein bisschen schneller », « zum Beispiel, wenn ich mit meiner Mama nach Frankreich gehe und da ist ein Zebrastreifen und kom die Französen die Hasen klauen, weil in der Zeitung steht das. Aber nur Hofhasen», «Ich mag die, aber die sind jeden Tag hier, ich glaub’ die wollen hier Urlaub machen, die kommen hierher»).
A côté de ces réponses moins positives, nous en trouvons d’autres qui font déjà preuve d’une « conscience interculturelle » chez les très jeunes. « Da denk ich an meine Freundin », « Toll ! », « Dass die genauso leben wie wir » et autres remarques montrent qu’il y a un véritable contact avec la culture du voisin et un rapprochement. Ceci n’est pas seulement dû à l’enseignement scolaire, mais aussi et surtout au cadre familial.

En tant que processus, la représentation s’intègre dans une dynamique articulée, d’une part sur la structure psychologique de l’individu et d’autre part, sur la structure sociale. De ce fait, une représentation n’est jamais statique, elle évolue avec le sujet, le temps la société, l’histoire… et est l’objet de modifications périodiques.
(Abdallah-Pretceille 2004 : 30)

Il est donc évident que la position des parents et les propos qu’ils tiennent concernant la France devant leurs enfants influencent ces derniers. Mis à part l’exemple de la conduite plus rapide en voiture, nous constatons que les autres propos négatifs ne correspondent pas à des stéréotypes « courants » que l’on trouve sur les Français en Allemagne. Il s’agit plutôt de pseudo-vérités (le vol des lapins, peut-être arrivé une fois et pris pour une réalité) ou d’hostilité directe envers la forte présence française quotidienne dans la petite ville de Kehl. Une proximité géographique peut alors éventuellement éviter l’apparition de stéréotypes et de clichés, mais elle n’est pas une garantie pour une attitude plus positive envers la culture voisine. La généralisation dans les jugements pose ici le plus grand problème : si l’enfant est éventuellement confronté à un propos très négatif sur l’autre culture, il est probable qu’il intériorise ce fait comme une vérité (en prenant encore une fois l’exemple du vol des lapins). Pour évaluer l’importance des remarques faites par les élèves, il est important de prendre en compte leurs avis à la fin de l’année scolaire. Les résultats de notre étude ont été obtenus en début d’année scolaire. Début juillet 2009, une deuxième série d’interviews aura lieu pour savoir si les représentations des enfants ont évolué et, si oui, dans quel sens. En même temps, un test de compétence langagière en français et en allemand sera soumis à chaque élève. En ce qui concerne l’évaluation du résultat, une analyse croisée avec l’ensemble des données sera effectuée. Il est important de mettre en relation les positionnements des parents et ceux des élèves pour vérifier certains propos et valider les hypothèses de la recherche. Aden (2006 : 68) propose trois variables grâce auxquelles il est possible de mesurer la compétence interculturelle : l’insécurité, le conflit et l’identité. Ces trois variables permettraient, pour notre cas, d’élaborer une grille de lecture simplifiant la mesure des compétences interculturelles en début d’année. L’insécurité regrouperait les commentaires exprimant des craintes, des hésitations et des expressions dues à une méconnaissance. En tant que variable, le conflit semble assez clair, il s’agit surtout des remarques hostiles et, enfin, l’identité, qui, selon le schéma d’Aden, est en application directe à notre situation, se rapporte à la joie, la curiosité, etc.
Cette étude devra aussi prendre en considération la réaction des enseignants face aux propos de leurs élèves. L’influence des enseignants est considérable ; le rôle de l’enseignant est de changer les attitudes hostiles. Un apprentissage interculturel en classe est tout à fait réalisable à cet âge. Selon Holzbrecher (2004), l’apprentissage interculturel en cours se définit par quatre éléments : la reconnaissance et la compréhension de l’autre, l’intériorisation du principe « tous différents – tous pareils » : les constats de la différence, sa catégorisation, la reconnaissance de différentes cultures et la responsabilité pour la société. En situation scolaire, il s’agirait donc de sensibiliser les apprenants au degré relatif de la notion de culture, de transmettre les avantages de la diversité culturelle et du plurilinguisme, de même que du rapprochement entre les cultures (Holzbrecher 2004). Il est essentiel que les enseignants prennent conscience de la situation plurilingue et pluriculturelle de leurs classes et qu’ils commencent à construire une compréhension interculturelle au sein du groupe d’élèves.

Le rôle de l’origine culturelle des enfants

Chez les enfants issus de familles mixtes ou d’origine étrangère, un autre élément entre en jeu concernant l’enseignement paritaire et son interculturalité. Nous découvrons plusieurs phénomènes attitudinales qui se reflètent dans certains propos lors des entretiens. Les élèves se retrouvent dans une situation qui est socialement dévalorisante, ils ne se voient pas comme « des Allemands », même s’ils ont la nationalité allemande. En posant la question sur les différences entre la France et l’Allemagne (« Findest du, dass in Frankreich manche Sachen anders sind als hier in Deutschland ? » ) les enfants de parents non – germanophones développent différentes attitudes pour se positionner. Certains répondent en utilisant la forme « nous » (« wir ») pour symboliser leur appartenance à la partie « Deutschland ». Ce phénomène de conformisme est le plus fréquent chez les membres de groupes minoritaires (Lorcerie 2002 : 175). Un autre positionnement est le soulignement de sa différence, et corollairement, la distanciation de la culture allemande et française : « Die sin‘ irgendwie so anders als Deutsche, also ich bin nicht Deutscher, Armenier, die verstehen Deutsche nich‘ so gut. » Il s’agit ici d’un phénomène de distinction, l’élève fait très précisément la différence entre lui (Arménien), les Allemands et les Français, et explique que ce sont les Français qui ne comprennent pas bien les Allemands. On peut interpréter cette attitude de deux manières : soit, pour l’élève, l’appartenance à son groupe minoritaire est très important, et c’est pour cette raison qu’il souligne sa nationalité lors de l’interview, soit il veut montrer, que lui, en tant qu’Arménien, comprend les Allemands, mais que les Français, par contre, ont vraiment des difficultés. Il y a beaucoup d’autres remarques que nous ne pourrons pas discuter ici, mais il est évident qu’il faut faire la différence entre les enfants germanophones et les autres enfants pour certains points de l’analyse.
Une grande partie des enfants « allemands » est scolarisée dans une classe paritaire parce que les parents la considèrent comme une classe d’élite. Souvent, l’enfant suit des cours de français précoce en dehors de l’enseignement scolaire, est inscrit à un cours de musique à Strasbourg, écoute des CDs francophones etc. Les parents souhaitent que leur enfant apprenne le français. Beaucoup de ces parents sont très francophiles, ont des amis français et permettent ainsi à leurs enfants d’avoir un contact naturel avec l’autre nationalité. Les enfants disent vivre cela différemment lors des interviews. Beaucoup d’entre eux ont une image très positive de la France et sont capables de nommer des Français qu’ils connaissent dans leur entourage relationnel. Les élèves observent également très bien le comportement de leurs enseignants et constatent, par exemple, que l’écriture des Français est différente (« dass die ‘ne andere Sprache reden und dass die anders schreiben »). Ce qui nous a d’abord étonné, mais qui s’explique assez clairement grâce au questionnaire des parents, dans lequel se trouvaient des propos tels que « dass ich auch so’n bisschen Französisch sprechen muss » . Il s’agissait ici d’un enfant avec de nombreuses activités extra-scolaires qui se déroulaient en langue française. Bizarrement, cet enfant n’était pas capable de dire ce qui pour lui était français et prétendait ne pas avoir été très souvent à Strasbourg. Or, nous savons que cet enfant va au moins une fois par semaine dans la capitale alsacienne pour ses cours de musique. Nous pouvons alors nous demander si l’ambition des parents n’a pas un peu étouffée l’attitude positive de l’enfant envers le français.

L’aspect interculturel en classe paritaire

L’enseignement en langue française est très apprécié par les élèves, même si certains disent ne pas toujours tout comprendre, ce qui est tout à fait normal. Cet enseignement est un véritable atout pour les élèves de pouvoir, d’une part, apprendre une langue étrangère de manière intensive et, d’autre part, d’avoir l’opportunité d’entrer en contact de façon naturelle avec les habitants de l’autre côté du Rhin. Néanmoins, il serait souhaitable de renforcer l’aspect interculturel de façon explicite dans le cadre de l’enseignement. Au regard de certains propos recueillis lors de la première série d’entretiens, l’intercompréhension envers la culture du voisin n’est pas encore très présente. Cela est certainement dû en partie à l’âge des enfants, mais ce très jeune âge permet d’autant mieux de commencer tôt un enseignement reposant sur les aspects interculturels liés à la situation de proximité géographique. Nous constatons que les élèves expriment très peu d’opinions stéréotypées. Ce phénomène positif s’explique encore une fois par la proximité géographique. Les enfants sont pour la grande majorité déjà allés à Strasbourg. La France et les Français ne sont pas seulement une idée abstraite dans leurs têtes, mais quelque chose de très concret. Il serait intéressant de faire la même étude à l’intérieur du pays. Je suis convaincue que les propos des enfants seraient très différents et beaucoup moins concrets que ceux des enfants de Kehl. Concernant les enfants issus de l’immigration, nous relevons plusieurs phénomènes : premièrement, ces derniers se « plaignent » moins lors des interviews sur le fait de ne pas toujours tout comprendre ce qui est dit en langue française. Ils sont en quelque sorte plus « tolérants » sur ce point, connaissant la situation du fait qu’ils ne comprennent pas toujours ce qui est dit en classe. Ainsi, ils sont tous très ouverts à l’apprentissage du français et acceptent cette situation sans s’opposer à l’enseignement en deux langues ou de faire un blocage envers cet enseignement. Les parents de ces enfants, par contre, expriment souvent le souhait que l’enfant devrait d’abord apprendre correctement l’allemand avant d’apprendre le français. Ils expliquent cette position par leur propre vécu et quelques-uns avouent qu’ils n’écrivent toujours pas l’allemand correctement – une raison de plus de ne pas vouloir faire subir la même chose à leur enfant.

Pour conclure, nous sommes d’avis que cet enseignement paritaire est un atout formidable pour les enfants qui commencent l’apprentissage d’une langue étrangère à l’école dès l’âge de six ans. L’origine culturelle de l’enfant et les langues déjà présentes dans les foyers des familles ne sont pas des obstacles à cet apprentissage précoce, mais plutôt une ouverture qui les aide à « se plonger » dans une nouvelle langue. Les écoles frontalières devraient néanmoins renforcer de manière explicite l’aspect interculturel de cet enseignement particulier pour sensibiliser les enfants à cette approche le plus tôt possible. Et ceci devrait se faire de manière équitable en incluant les cultures étrangères présentes en classe à la culture française. L’avenir scolaire européen se doit de passer par la voie plurilingue en intégrant la culture du voisin (en région transfrontalière) et celles des élèves d’origines étrangères scolarisés dans nos écoles, surtout en Allemagne où le taux de naissance dans les familles germano-allemandes reste très faible. En prenant en compte toutes ces langues et cultures et en prenant aussi au sérieux les futurs adultes européens, nous contribuons à la formation des acteurs des sociétés multiculturelles de demain !

Notes
L’équivalent de l’école maternelle en Allemagne, en ce qui concerne l’âge des enfants (3-6 ans), mais pas la conception.
„Früh-Französisch“ im Kindergarten, quelques activités en langues française, approche ludique.
Les attitudes des enfants scolarisés à l’école primaire vis-à-vis de l’inconnu et des Etrangers sont encore très peu définies, mais plutôt influencées par le vécu individuel.
En se concentrant sur une autre culture, il y a comparaison de l’inattendu, du « typique » de la culture étrangère avec la culture maternelle, ce qui représente une opération cognitive généralisante qui mène à un enrichissement des expériences personnelles. Dans des propos comparant les cultures, aussi chez les enfants, l’utilisation du comparatif (« Les trains italiens sont plus sales que les trains allemands »), de la négation (« En Allemagne, il n’y a pas d’uniforme scolaire »), de la description ou de la généralisation d’éléments en particulier (« Les Italiens ont tous les cheveux noirs ») est frappante.
Qu’est-ce qui te passe par la tête quand tu penses aux gens qui vivent en France, aux Français ?
Est-ce que tu trouves qu’en France, certaines choses sont différentes qu’ici en Allemagne ?
Que moi aussi, je dois parler un peu le français.

Bibliographie
-ABDALLAH-PRETCEILLE, M. (1996) : Vers une pédagogie interculturelle, 3ème édition. Paris : Anthropos
ABDALLAH-PRETCEILLE,M. (1999) : L’éducation interculturelle. Paris : PUF
ADEN, J. (2006) : « La dimension métacognitive de l’entretien collectif dans le développement des compétences interculturelles. » In : Cain, A. & Zarate, G. (2006) L’entretien : ses apports à la didactique des langues. Paris : manuscrit.com
CANDELIER, M. & HERMANN-BRENECKE,G.(1993): Entre le choix et l’abandon : les langues étrangères à l’école, vues d’Allemagne et de France. Paris : Didier

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-HOLZBRECHER, A. (2004) : Interkulturelle Pädagogik. Berlin: Cornelsen Scriptor

-JODELET, D. (7 2003) : Les représentations sociales. Paris : PUF
-KALLENBACH, C. (1996): Subjektive Theorien. Was Schüler und Schülerinnen über Fremdsprachenlernen denken. Tübingen: Narr
-MOORE, D. (dir.) (2008) : Les représentations des langues et de leur apprentissage. Références. Modèles, données et méthodes. Paris : Didier

-MOORE, D. (2006) : Plurilinguismes et école. In Langues et apprentissage des langues. Paris : Didier

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-ZARATE, G.(1993) : Représentations de l’étranger et didactique des langues. Paris : Didier

Synergies PG 2 : Les 4 contributions publiées sur le site web

Synergies Pays germanophones n° 2

L’interculturel à la croisée des disciplines : Théories et recherches interculturelles, état des lieux

Le numéro 2 de Synergies Pays Germanophones comprend quatre contributions publiées sur le site web. Le lecteur pourra lire les articles concernés ci-dessous, ainsi que leur présentation (pour accéder au texte intégral, il faut cliquer sur le nom de l’auteur).

Le titre et le classement thématique de l’article, de même qu’une brève introduction, se situent également dans le sommaire et dans la présentation du numéro sur papier.

Partie II

Perspectives éducatives, pédagogie des échanges et compétences opérationnelles

– Julia Putsche,

La langue française, les Français, la France – Qu’en pensent les élèves allemands à l’école primaire ?

Présentation de l’article :

L’enseignement précoce d’une langue étrangère constitue pour beaucoup d’enfants le moyen d’entrer en contact avec une culture étrangère pour la première fois, à l’exception toutefois des enfants dont le cadre de vie se situe en milieu frontalier. Pour ces derniers, la culture et la langue étrangère font partie du quotidien, d’autant plus si ce contact est renforcé par un apprentissage de la langue du voisin en contexte scolaire. Est-ce que l’expérience interculturelle de ces enfants les prédispose à une plus grande ouverture d’esprit et à une meilleure compréhension de la culture étrangère ? C’est la question sur laquelle s’est penchée Julia Putsche dans sa contribution. L’auteure qui nous expose les résultats d’une enquête menée auprès d’enfants vivant à Kehl, ville frontalière allemande, séparée de la France et de Strasbourg par une frontière naturelle, le Rhin.

L’objectif de cette étude repose sur la recherche des représentations que de jeunes enfants ont de la France et des Français. Il s’agit d’apprenants scolarisés en classes paritaires dans lesquelles les matières d’enseignement sont dispensées en français ou en allemand. L’étude présentée concerne les résultats d’une première analyse de recherche que l’auteure est d’ores et déjà en train de poursuivre dans le cadre d’un travail de doctorat. Son article nous donne également un aperçu de sa méthode de recherche et d’analyse, basée sur l’évaluation de la compétence interculturelle d’après les trois variables d’Aden : l’insécurité, le conflit et l’identité.

Partie III

Analyses et orientations en méthodologie, pratiques interactives

– Rosa Maria Chaves, Gillian Moreira,

La dimension interculturelle dans les programmes d’enseignement du FLE en Espagne et au Portugal

Présentation de l’article :

L’ensemble des productions du Conseil de l’Europe mettent plus que jamais l’accent sur le développement d’une citoyenneté européenne à travers l’apprentissage de l’entente interculturelle au moyen de la rencontre avec l’Autre et de la reconnaissance de la diversité linguistique et culturelle. La relation avec l’Autre étranger, impliquant l’expérience de l’altérité et de l’interculturalité, il est judicieux d’étudier les programmes officiels d’enseignement et les manuels de langue pour rendre compte de la manière dont la dimension interculturelle est appréhendée en méthodologie. C’est le sujet que Rosa Maria Chaves et Gillian Moreira nous présentent dans l’article suivant.

Les auteures dressent tout d’abord la liste des objectifs et des contenus relatifs à l’approche interculturelle dans les programmes d’enseignement scolaires du FLE au Portugal et en Espagne avant d’aborder l’analyse de la présentation des contenus des manuels de français dans les deux pays.

L’approche contextualisée des auteures incite le lecteur à réfléchir à un prolongement de l’analyse qui porterait sur l’étude comparative des contenus interculturels des unités d’apprentissage et des objectifs didactiques des concepteurs de manuels. Une investigation qui s’avèrerait certainement polémique, quant à la réelle prise en compte de l’apprentissage interculturel dans l’enseignement des Langues-Cultures.

Partie IV

Dynamiques interactionnelles et cultures managériales

– Vassiliki Markaki,

Le concept des catégories en Analyse conversationnelle : une contribution à la réflexion de la construction des identités en milieu professionnel international

Présentation de l’article :

L’étude que nous soumet Vassiliki Markaki s’inscrit dans le cadre de l’Analyse conversationnelle et s’intéresse plus particulièrement à la construction des identités sociales des participants au sein des pratiques interactionnelles. Elle a été réalisée à partir d’un corpus d’enregistrements vidéo effectués lors d’un meeting de professionnels attachés à une compagnie pharmaceutique.

Après avoir explicité les processus de catégorisations de Sacks, Housley et Fitzerald, en Analyse interactionnelle, l’auteure se penche sur les catégories d’appartenance spécifiques de la construction de l’identité sociale en milieu professionnel interculturel. L’étude tend à démontrer qu’à côté de l’influence du contexte interactionnel, des performances plurilingues, mais surtout des modes d’utilisation du plurilinguisme par les interactants dans l’organisation des séquences des interactions, l’interculturalité constitue également un moyen de construction identitaire.

De par son ancrage en milieu international et interculturel, cette approche représente un atout indiscutable aux recherches menées sur les pratiques langagières professionnelles. J’invite les lecteurs intéressés par le sujet à suivre les travaux du projet européen DYLAN dont cette étude fait partie.

– Fred Dervin,

Comment vendre à l’Autre ? Approches de l’interculturel dans le monde des affaires : Le cas des cabinets interculturels dans cinq pays

Présentation de l’article :

Cet article repose sur l’étude de cas de programmes de formation en management interculturel au moyen de l’analyse de discours interculturels. Fred Dervin nous résume la typologie des approches « classiques » de l’interculturel, puis nous expose la démarche janusienne qu’il retient personnellement comme approche complémentaire et essentielle de l’interculturel. L’étude de cas réalisée par l’auteur dans cinq cabinets interculturels répartis dans le monde entier, révèle une prise de position culturaliste dans les objectifs et les contenus de formation centrés sur la transmission de connaissances sur la culture étrangère et l’inventaire des différences entre les cultures. Critiquant l’approche de la culture – objet, l’auteur s’est intéressé aux discours de trois cabinets interculturels qui placent l’individu culturel au sein de leurs formations par le biais d’une approche interactionnelle incluant l’apport intersubjectif et identitaire du sujet culturel en situation de communication.

L’auteur termine son article par une réflexion sur l’intégration et l’adaptation du Culturspeak et d’un modèle de compétences protéophiliques, qu’il a lui-même développé, pour améliorer les rencontres interculturelles dans le cadre des relations d’affaire.

Synergies Pays Germanophones n°2 : Appel à contributions

L’interculturel à la croisée des disciplines : théories et pratiques de la recherche interculturelle, état des lieux

Dans les années quatre-vingts, le concept d‘interculturalité est devenu un axe essentiel et privilégié de toute pédagogie. Après le succès qu’il a connu en Didactique des langues étrangères, l’interculturel s’est constitué comme champ d’études universitaires. Echanges, construction identitaire, altérité, décentration, etc. les notions spécifiques de l’interculturel ont aujourd’hui fait florès dans les différentes disciplines et discours didactiques.

Ce numéro pourrait s’attacher à présenter, entre autres, les diverses entrées conceptuelles de l‘interculturel, d’en mesurer la pertinence et de rendre compte des approches théoriques et pédagogiques utilisées dans les diverses disciplines : psychologie sociale, sociologie, anthropologie, littérature, sciences de la communication, linguistique, sciences de l’éducation, sciences sociales, didactique des Langues-Cultures, etc. Nous nous intéresserons également aux propositions d’approches novatrices, notamment dans le monde de l’entreprise, des médias et dans le domaine des usages des technologies numériques (TICE).

Peuvent être proposés des articles qui présentent une orientation théorique, méthodologique, un compte rendu de recherche, retracent l’évolution et l’interprétation historique de l‘interculturel inhérentes aux diverses disciplines, exposent une étude comparative portant sur deux ou plusieurs cultures étrangères, analysent des expériences de formation et des pratiques éducatives, rendent compte d’expériences de terrain et de leurs retombées sur le plan scientifique, formatif ou pédagogique, etc.

Orientations thématiques (liste non exclusive) :

  • Identité et diversité culturelle
  • Dialogues entre les cultures
  • Contacts des langues et des cultures
  • Le jeu de polarité dans la conception du réel d’une langue à l’autre
  • la traduction : pont entre les cultures
  • Education interculturelle
  • Pédagogie interculturelle
  • Dimension interculturelle dans l’enseignement des langues
  • Communication interculturelle
  • Culture médiatique
  • Cultures managériales
  • Comment former à la compétence interculturelle ?
  • Mobilité et intégration culturelle
  • Mondialisation et communautarisme
  • Cultures et enjeux professionnels

Les articles seront prioritairement rédigés en langue française, mais un certain nombre seront également acceptés en langue allemande. Les doctorants et jeunes chercheurs sont cordialement invités à proposer un article.

Les propositions d’articles (résumé de 200 mots) devront être communiquées à la rédactrice en chef pour le 15 janvier 2009 au plus tard. Elles devront être accompagnées du titre de l’article, du prénom et du nom de l’auteur, de son université ou institution d’appartenance et d’une courte bibliographie.

Florence Windmüller

flohwin@gmx.net

Florence.Windmüller@ohm-hochschule.de

Les propositions seront évaluées par les membres du comité de rédaction et un commentaire sera communiqué à tous ceux qui auront envoyé une proposition. Une fois cette dernière retenue, des consignes sur le format de soumission des articles seront indiquées aux auteurs et l’article complet devra être envoyé à la rédactrice pour le 15 avril 2009 au plus tard. Le comité de rédaction décidera de la publication de l’article et enverra sa décision à l’auteur à qui il sera éventuellement demandé d’apporter des modifications si l’article est publié. Le numéro paraîtra pour l’automne ou l’hiver 2009.

Synergies Pays Germanophones fait partie des revues du réseau mondial de diffusion scientifique, le GERFLINT, Groupe d’etudes et de Recherches pour le Français Langue Internationale. Le principe fondateur de ce groupe est la défense de la recherche scientifique francophone dans l’ensemble des Sciences Humaines. Il a pour vocation de promouvoir le dialogue entre les disciplines, les langues et les cultures. Comme ses consoeurs, Synergies Pays Germanophones est ouverte à la communauté scientifique, particulièrement aux jeunes chercheurs, mais aussi à l’ensemble des intellectuels souhaitant apporter une réflexion sur les thématiques proposées.

Outre la publication d’articles individuels à partir d’entrées thématiques, la revue publie également les actes de colloques. Les universités et les chercheurs intéressés sont invités à prendre contact avec la rédactrice.